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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/97

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de la vile multitude. Ouvrier, tu es noble et saint comme Dieu même. Tu es Dieu ! »

Mais, quelle que soit la masse de ce qui s’imprime et se distribue, c’est peu de chose par rapport à ce qui se dit aux tribunes élevées partout, dans les palais nationaux et dans les carrefours, dans l’Assemblée nationale et dans les clubs. A l’Assemblée nationale, on ne dit plus au peuple, selon le mot de Félix Pyat : Si tu chômes, tu n’as que le droit à l’assistance. » On lui dit sur tous les tons : « Tu as le droit au travail, et si tu ne trouves pas de travail, c’est à l’État de t’en donner. » Ainsi lui parlent à l’envi Pelletier (du Rhône), Ledru-Rollin, Crémieux, Considérant, Martin-Bernard. Et le Luxembourg répond au Palais-Bourbon. La Commission du gouvernement pour les travailleurs et ce qu’on a dès ces premiers jours appelé le Parlement du travail répètent, en les amplifiant, les propos et les promesses du Gouvernement lui-même et de l’Assemblée tout entière. Accomplissant leur fonction naturelle, les démagogues surenchérissent, en prose et en vers, par des harangues de coins de rue et par des chansons ; ce qu’on dit au peuple est peu de chose encore par rapport à ce qu’on lui fait chanter. Le citoyen Claude Genoux, auteur d’un ouvrage qui a obtenu un grand succès, intitulé les Mémoires d’un Enfant de la Savoie, est un de ses fournisseurs favoris ; il lui offre, en août 1848, le Chant des Gueusards, où hurle, entre autres du même accent, cette strophe :


Malheur ! malheur aux égoïstes ;
Oui, notre étoile va briller !
Pour vous, non, grands capitalistes,
Nous ne voulons plus travailler ! (Bis.)
Malheur sur vous, sur votre race !
L’abus de la propriété,
C’est le serpent qui vous enlace !
Gueusards, à nous la liberté ! (Bis.)


En 1852, sous ce titre ironique : les Préjugés du peuple, et sur l’air : Berthe a surpris mon premier cheveu blanc, il marque amèrement la séparation, l’opposition des classes. C’en est fini des promenades dans les parcs seigneuriaux sous le regard ami de la lune, et des embrassades à la George Sand. Claude Genoux en prévient son imaginaire marquise :