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entendues dans le monde entier, où elles ont été accueillies comme un gage de paix.

Nous nous rappelons la visite que le roi Edouard nous a faite il y a une dizaine d’années, au moment où il a inauguré avec une si haute intelligence la politique de rapprochement d’où est bientôt sortie l’entente cordiale. Il s’en faut de beaucoup, pourquoi ne pas le dire ? que le sentiment populaire ait vibré alors autour du père comme il vient de le faire autour du fils. L’accueil a été respectueux, mais réservé. Il y avait visiblement de l’hésitation dans la foule. On était trop près d’incidens qui avaient laissé des impressions fâcheuses. Les gouvernemens savaient bien ce qu’ils faisaient et ce à quoi ils voulaient aboutir, mais l’opinion, qui n’y avait pas été assez préparée, ne le comprenait pas encore. Ce n’est que plus tard et peu à peu que la lumière s’est faite, et ce résultat est dû à la parfaite loyauté apportée par l’Angleterre à ses rapports avec nous. Quand elle a adopté une politique, elle s’y tient avec une fermeté dont aucun petit incident ne la détourne. La visite que le roi George nous a faite, visite à laquelle la présence de sir Edward Grey donnait toute sa signification, a été la preuve de cette résolution persévérante. Aussi les souvenirs antérieurs se sont-ils dissipés. Nous n’avons conservé, de notre longue rivalité avec l’Angleterre, que le sentiment de l’héroïsme dépensé de part et d’autre, qui est une des fiertés de notre histoire. Aujourd’hui les destinées des deux pays sont accomplies et tout fait croire que l’entente qui s’est formée entre eux présidera à un long avenir. La communauté des intérêts les a rapprochés, mais il est dans notre nature de mêler nos sentimens à nos intérêts, et voilà pourquoi la ville de Paris a mis un peu de son cœur dans la manière dont elle a reçu les souverains amis.

Cette communauté d’intérêts entre la France et l’Angleterre apparaît d’ailleurs de jour en jour avec plus d’évidence. L’Europe, comme on le sait, est divisée en deux groupemens distincts entre lesquels, grâce à Dieu ! il n’y a pas d’opposition irréductible, mais qui ont pourtant chacun ses intérêts particuliers. Ceux de la France et de l’Angleterre sont les mêmes. Laissons de côté, pour le moment, les situations générales telles qu’elles résultent de longs efforts historiques, pour ne parler que des faits du jour. Les événemens d’Orient, tels qu’ils se sont déroulés depuis dix-huit mois, ont posé dans les Balkans et dans la Méditerranée des questions nouvelles : quand les puissances out eu à s’en occuper, à s’y appliquer, on a pu remarquer depuis le premier jour jusqu’au dernier que, par la nature même et