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un poison mortel sur les lèvres de la morte. L’amant vient en effet. Mais après lui vient le mari, le fils. Tous les deux succombent, et cela ne fait pas moins de trois homicides, dont un involontaire, à la charge de ce vieux gredin d’Archibaldo. Avouons qu’il est malaisé pour un dramaturge d’aller plus loin dans l’horreur, et dans l’horreur macabre. Il a même paru que ce dénouement accumulait un peu trop de baisers, et trop divers, sur des lèvres consacrées par la mort.

Il s’en faut que la musique (et nous ne le lui reprocherons pas, au contraire) égale ce drame en violence. Elle se garde heureusement de la brutalité, voire de la grossièreté, où s’abandonnent et semblent parfois se complaire les maîtres ou les représentans de ce qu’on appelle le « vérisme » italien. Mais, sans aller aussi loin, surtout sans descendre aussi bas, que dis-je, en s’élevant, et par l’élévation même, on eût aimé que cette musique atteignit au lyrisme. Il est trop rare qu’elle en approche. Il n’arrive guère qu’elle nous émeuve ou seulement qu’elle nous touche. La partition de M. Montemezzi manque de ce don ou de cette vertu pour ainsi dire nationale, et qui, lors même qu’elle n’impose pas certaine musique italienne à notre admiration, peut la recommander à notre indulgence : nous voulons parler de la sensibilité. Pathétique modérément, l’œuvre n’est pas davantage originale. Telle ou telle influence y est reconnaissable : entre autres, ou plus que toute autre, celle de Wagner.

Mais que voulez-vous ? Qui saurait aujourd’hui, sans nous rappeler le signal d’Isolde, représenter, accompagner au moins en musique, ou par la musique, une femme agitant son écharpe dans la nuit ! Ici (nous pensons à la grande scène d’amour du second acte entre Avito et Fiora), il n’y a pas de wagnérien que les gestes, et durant la période du duo qu’on peut qualifier d’assise, vu l’attitude des deux partenaires, c’est la musique même qui se développe, et, pour ainsi dire, évolue dans l’orbite sonore du fameux duo de Tristan. Ailleurs, elle paraît s’être proposé d’autres modèles, ou plutôt n’avoir pu se soustraire à d’autres souvenirs. Il n’en est pas moins vrai que, dans l’ensemble, par la tenue générale et par le style, une telle œuvre se distingue de certaines autres, venues du même pays et reçues dans le nôtre avec trop de faveur. S’il fallait marquer d’un seul mot le caractère dominant et le genre propre de la musique de M. Montemezzi, comment l’appellerait-on ? Symphonique ? Assurément non. Mélodique ou vocale ? A peine davantage. Ses qualités sont plutôt de l’ordre verbal, ou, si l’on veut, oratoire. Elle chante moins volontiers, moins bien aussi, qu’elle ne parle. Son principal élément, son mérite