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Mongols, habitués à l’indépendance, voyaient avec inquiétude cette invasion ; leurs ancêtres ont, au cours des siècles, plusieurs fois imposé leur suzeraineté ou intronisé leurs princes en Chine, ils n’ont jamais été soumis par les Chinois. En 1914, des chefs mongols avaient fait offrir à la Russie le protectorat des tribus dont le centre est à Ourga où réside le Koutouktou, chef religieux et politique de la Mongolie[1]. L’abdication de la dynastie mandchoue à Pékin parut aux chefs mongols l’occasion désirée pour se séparer des Chinois ; ils n’étaient liés, alléguaient-ils, que par une union personnelle avec la dynastie, mais nullement par un lien de vassalité, encore moins de sujétion, avec la Chine. La Mongolie extérieure proclama son indépendance et se tourna du côté de la Russie, Par un traité du 3 novembre 1912, entre le Tsar et les princes mongols, la Russie reconnut l’autonomie de la Mongolie vis-à-vis de la Chine ; des soldats russes, sous prétexte de gardes consulaires, obtenaient le droit d’y résider ; la Russie promettait de prêter des instructeurs pour former l’armée mongole. Yuan-Chekai, pour éviter la sécession de la Mongolie, fit mine d’y envoyer des troupes que la diplomatie russe arrêta en route. On négocia ; nous avons vu le lien étroit de ces négociations avec la question de l’emprunt du consortium. Le 5 décembre 1913, un traité fut signé entre Yuan-Chekai et les Russes. La Russie reconnaissait que la Mongolie fait partie du territoire chinois, mais la Chine reconnaissait l’autonomie de la Mongolie. En fait, les Russes exercent sur la Mongolie extérieure une sorte de protectorat politique et économique. Un rapprochement a été ménagé, par l’entremise du bouriate russe Dorjief, entre le Grand Lama d’Ourga et la Grand Lama de Lhassa. Le Turkestan chinois, complètement séparé de la Chine, tombera comme un fruit mûr aux mains des Russes. Au Tibet, le Dalaï Lama a obtenu le retrait des troupes chinoises et cherche à réorganiser, avec l’aide des Anglais, un gouvernement autonome. En Mandchourie, nous avons fait allusion aux arrangemens spéciaux qui délimitent les zones d’influence japonaise et russe entre le méridien de Pékin et les confins de la Mandchourie. Une partie de la Mongolie intérieure rentre ainsi dans la sphère japonaise ;

  1. Voyez Paul Labbé, Chez les Lamas de Sibérie (Hachette, in-16), et le Voyage du commandant de Bouillane de Lacoste : Au pays sacré des anciens Turcs et des Mongols (Émile-Paul, in-8).