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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/181

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mais il n’en fut pas toujours ainsi. N’est-ce pas le chiffre élevé de nos malades et de nos morts plus que l’échec de Farafate, durant la première expédition de Madagascar en 1885, qui nous fit nous contenter alors d’une paix boiteuse et peu profitable ?


L’ère de nos grandes expéditions coloniales est close aujourd’hui, autant du moins qu’on peut prévoir l’avenir. Celle de la mise en exploitation intensive de notre vaste domaine exotique s’ouvre enfin. On vient de voir quelles économies de vies humaines nous aurions réalisées, si nous avions su protéger contre les maladies et le climat nos soldats coloniaux en expédition, avec autant de soins que font les Anglais pour les leurs. Cette façon d’agir aurait procuré des profits moraux et matériels considérables, non seulement au pays, mais à la cause coloniale elle-même.

On connaît si bien en Allemagne la valeur pécuniaire de la vie humaine qu’il existe dans l’empire toute une législation pour la mieux préserver, C’est la loi de l’Assurance obligatoire contre la maladie. Elle impose à l’Etat lui-même de grosses dépenses, dans une intention éminemment pratique et non pour des fins humanitaires, comme on pourrait croire.

Il nous eût été très profitable de considérer la question sanitaire aux colonies d’une façon analogue à celle des Allemands chez eux. L’opinion publique n’aurait d’abord jamais été, comme elle le fut parfois, effrayée et surexcitée par l’élévation de nos pertes. La bonne réputation sanitaire de nos colonies, plus vite établie, aurait en second lieu permis d’avancer beaucoup le moment de leur mise en valeur et de payer moins cher les résultats obtenus.

Les premiers défricheurs de la Mitidja mouraient en si grand nombre sur leurs fertiles champs malsains qu’on put appeler Bouffarik le tombeau des Européens.

La Mitidja, dira-t-on, n’en est pas moins aujourd’hui, soixante-dix ans après la conquête, la plus riche région de l’Algérie et l’une des plus salubres ! Mais ne sait-on plus que nous avons longtemps hésité à garder l’Algérie, trop coûteuse en soldats et en colons ? Oublie-t-on également le désastre des 12 000 hommes envoyés au Kourou par le marquis de Choiseul et décimés par la fièvre jaune ? Ce seul souvenir retarde