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Zélindor, en particulier, obtint sur la scène de l’Opéra l’un des plus tapageurs succès que l’Académie Royale de musique eût encore enregistrés. Voltaire, le grand parrain du siècle, demeuré en coquetterie avec un homme si bien en cour, ne l’appelle plus, dès ce jour, que son « très cher sylphe, » ce qui valait mieux qu’un titre de noblesse.

Comme un aimable sylphe qu’il était, ayant adopté pour règle de vie la maxime de Duclos : « Quelque vertu qu’on ait, on n’a que celle de son esprit, » Moncrif se prodiguait en même temps dans tous les endroits de fête et les réunions joyeuses.

Homme de plaisir, il avait toujours eu bon ventre à table et belle chair au déduit. Grimm rapporte de suggestives anecdotes sur les exploits qui s’accomplissaient dans le petit appartement des Tuileries dont il avait la jouissance.

On le voyait donc, comme par le passé, fréquenter assidûment les coulisses de l’Opéra ou des Italiens, Procope, le Caveau, le dîner du Bout du Banc. Il trônait encore à Montrouge chez le duc de La Vallière, et chez la duchesse de Villars, qui tenaient chapelles de beaux esprits.

Ce faisant, le bon luron témoignait d’une méritoire alacrité non moins que d’une glorieuse verdeur. La vieillesse, en effet, était venue. Il défrisait à présent la soixantaine ; par exemple il n’y paraissait guère.

Un vivant portrait de Carmontelle, à cette date, nous montre fringant et pomponné, dans un somptueux habit de velours frappé rose, au gilet brodé de fleurs, la main sur la poignée de l’épée en verrouil, le fin profit d’un courtisan, au regard aiguisé d’ironie, aux lèvres minces sous le nez aquilin, l’air tout ensemble affable, réfléchi, perspicace et spirituel. L’homme, encore très beau, conserve fière prestance. On le sent coquet, recherché dans sa mise, soigné de sa personne ; la malice en éveil, la pointe toujours prête.

« Il a poussé la passion pour la créature ou plutôt pour les créatures jusqu’à l’extrême vieillesse, » insiste encore Grimm.

A bien considérer cette pimpante silhouette, on reconnaît effectivement l’homme à bonnes fortunes et qui n’a pas encore désarmé.

Pour l’instant, après maintes nobles dames, nymphes d’Opéra, demoiselles de comédie, la « créature » s’appelait Marie Mazarelli.