Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/423

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gauche la maison du gardien de nuit, les rails menant aux fourneaux, les ateliers de fonte, de l’autre côté les hangars aux tôles, les piles de fer forgé parterre, et tout au loin, devant la grille ouverte, les promeneurs allant et venant sous le soleil qui éclairait la large route au dehors ; le soleil, pour nous, ne luisait jamais… »

Avant d’entrer à l’usine, du temps où il s’ingéniait à gagner quelques sous en soudant des manches de lanternes, — et en s’y brûlant les doigts, — il avait appris à lire dans une dame school, dont la maîtresse savait à peine signer son nom, puis à écrire dans une école du dimanche où les enfans n’avaient pour cahier qu’une planche carrée recouverte de sable fin. Ce n’est qu’à dix-sept ans qu’il commença réellement son instruction dans une de ces Méchantes Institutions qui venaient d’être fondées par le Dr Birkbeck, avec bibliothèque, musée de modèles, etc., et où chaque soir des classes étaient faites aux ouvriers désireux de s’instruire. Il fit de rapides progrès, sous des maîtres capables, owenistes pour la plupart, avec lesquels il se lia d’assez près. Chaque soir alors, il travaille jusqu’à minuit ; une, fois par semaine, il passe toute la nuit sur ses livres, à la lueur d’une bougie, s’abîmant les yeux pour la vie. Frêle de nature, mais doué d’une vigoureuse volonté, il poursuivra longtemps ainsi de droite et de gauche, suivant les hasards des circonstances, une éducation qu’il ne terminera d’ailleurs jamais. En 1847, il empruntera cinquante livres sterling à un ami pour payer son droit d’entrée à l’université. Il apprendra, tant bien que mal et plutôt mal que bien, le latin, le grec, le français, tout en donnant des leçons pour vivre, tour à tour élève et maître, enseignant et enseigné : tel jour, il fera une conférence historique à Londres, et le même soir suivra à Gower street une classe de latin ou commencera l’étude de Blackstone. Belle ténacité d’autodidacte, qui ne pouvait d’ailleurs suppléer au manque de culture suivie et de direction régulière : Holyoake restera toujours un « primaire. »

L’étude intensive ajoutée au dur travail manuel ne devait pas manquer d’altérer une santé délicate. Forcé de choisir, Holyoake, bien que sans le sou, quitte l’usine en 1838 et garde ses livres ; il se marie cette même année. Il débute dans le journalisme par un article sur les Méchantes Institutions qui, payé en nature, lui rapporte un poulet rôti et une bouteille de porto. Pendant bien