Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/424

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des mois, il mène une vie plus que précaire, tour à tour comptable chez un commerçant, guide à l’exposition de Birmingham, enfin professeur dans la Mechanics’ Institution où il avait été élève et où il retrouve ses amis owenistes, qui le recueillent officiellement dans leurs rangs et, en 1840, le présentant à Owen., Owen avait alors soixante-neuf ans. Grand capitaliste, manufacturier émérite, philanthrope utopiste, il avait vu échouer ses expériences de réformateur pratique, sombrer sa colonie de New Harmony et son Equitable Banque d’échange, si bien que, renonçant à l’action personnelle, il se consacrait avec une ardeur juvénile à la propagation de la doctrine dont il était l’initiateur anglo-saxon, le communisme, et l’on sait qu’en dépit de ses divagations économiques, il eut du moins ce mérite d’être l’un des premiers en Angleterre à dévoiler les misères de la classe ouvrière et à poser devant l’opinion le problème de l’amélioration du sort des travailleurs. Le vieux prophète avait, pour sa propagande, besoin d’apôtres : Holyoake fut l’un d’eux. D’abord conférencier à Worcester, il fut bientôt appelé à titre de « missionnaire » à « évangéliser » le « diocèse » de Sheffield. Il répandit la bonne parole oweniste dans les « Temples de Science, » ajoutant en homme pratique à l’enseignement social l’enseignement plus utile de la lecture, de l’écriture, du calcul. La paie était modique, seize shillings la semaine ; il l’améliora en donnant des leçons privées dans d’honnêtes familles chez qui, pour cacher sa personnalité déjà compromettante, il se présentait comme M. Jacobs. Au bout d’un an, il se fit remercier, avec plusieurs de ses collègues, lorsque, fidèle aux principes, mais non à l’opportunisme d’Owen, il refusa le serment religieux qu’on voulait imposer aux « missionnaires » owenistes (ceci sera le début de sa propagande athéistique). Tout en restant attaché à des « branches » owenistes, il se sépare donc de l’owenisme officiel, et en 1844 il lance de vives attaques contre la malheureuse tentative de communisme appliqué qu’Owen avait inaugurée à Queenwood, de sorte que, quand Queenwood sombrera en 1845, comme avait déjà sombré New Harmony en Amérique, c’est Holyoake que les chefs du parti tiendront pour responsable : de ce jour, d’ailleurs, l’owenisme était fini en Angleterre, et ses restes allaient se dissoudre dans le chartisme et l’agitation libre-échangiste. — De son passage dans l’owenisme, Holyoake ne laissa d’ailleurs pas de garder une profonde empreinte : je veux