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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/425

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parler de la fidélité qu’il conserva toujours au dogme du déterminisme oweniste ; d’après lequel le caractère de l’homme est « un produit dont l’homme même ne représente que la matière première. » C’est le « milieu » qui fait « l’homme. » Owen, disait : « Le caractère de l’homme est fait pour l’homme et non pas par l’homme. » On voit les conséquences de la thèse, que n’aurait pas désapprouvée Helvétius : les caractères étant des produits, on les fabrique, on les manufacture comme des produits ; l’éducation d’une part, la législation de l’autre, sont toutes-puissantes dans la formation des individus. Comment Holyoake associait-il ce principe déterministe et cette utopie socialiste avec la loi du self help dont il ne cesse jamais de prôner les mérites ? Cela est difficile à dire, mais on avouera que, pour un « agitateur » social, le terrain n’était pas mal choisi !


II

Holyoake prit aussi à Owen sa doctrine antireligieuse, corollaire de son déterminisme, et bien vite ici l’élève dépassa le maître. Enfant, il avait reçu quelques vagues notions religieuses tour à tour chez les Wesleyens, chez les Baptistes et chez les Unitariens ; mais ces leçons laissèrent finalement bien moins de trace dans sa mémoire que, par exemple, certaine visite domiciliaire de l’huissier réclamant à ses parens une demi-couronne pour une taxe ecclésiastique impayée de 4 pence, ou bien la vue des marguilliers paroissiaux, porteurs de leurs baguettes d’argent, se saisissant le dimanche de tous les ivrognes et de tous les fainéans qu’ils pouvaient trouver pour les mener à l’église, dans des bancs réservés, puis, cela fait, s’empressant d’aller prendre leur place au cabaret pendant le sermon. Il est certain que ces souvenirs furent pour beaucoup dans son hostilité contre le clergé officiel, hostilité qu’il ne tarda pas à étendre, sous l’influence des owenistes, à la religion elle-même. C’est alors que, selon la légende, il « brûla » sa Bible (en réalité cet homme pratique la vendit), et du jour où on lui réclame, comme conférencier oweniste, une profession de foi protestante, il se déclare athée, et se lance dans la propagande athéistique avec son collègue Southwell, des mains duquel il prend le journal l’Oracle, lorsque Southwell est condamné pour insultes au clergé dans cette feuille de scandale. En mai 1842, Holyoake lui-même est