Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/562

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce genre. Croyons très ferme, au contraire, que nos adversaires futurs ont les moyens de vaincre les difficultés qui nous frappent et, ces moyens, tâchons de les découvrir — cela n’est point si difficile ! — et de nous les approprier[1].

« J’ajoute que nos bâtimens sont surmenés. Ils naviguent trop, ou plutôt ils naviguent trop souvent. Il en résulte que’ les appareils mécaniques ne sont pas visités comme ils devraient l’être, que les avaries sont réparées par des moyens de fortune, qui n’en peuvent prévenir d’autres et de plus graves. Matériel et personnel technique, tout est « sur les dents, » si j’ose dire. Avec cela le port de Toulon, exclusivement chargé des réparations de l’armée navale, se déclare débordé ; les ouvriers, vous le savez, y prennent volontiers quelque repos, et il s’en faut que les magasins nous puissent fournir tout ce qui nous est nécessaire. Cela constaté, vous comprenez, d’abord, que le commandant en chef hésite à laisser entrer ses unités de combat dans un arsenal dont elles ne ressortent plus ; ensuite, que ces unités, malgré leur belle apparence, souffrent sérieusement. »

« Remarquez encore, — et ceci touche le personnel essentiellement combattant, — que les mouvemens trop fréquens et imprévus des bâtimens y rendent très difficile la marche méthodique de l’instruction. L’entraînement militaire des hommes n’est pas, à mon avis, ce qu’il pourrait être…

« Vous dirai-je (mais vous le savez) que les officiers manquent, que des tourelles de 305 sont commandées par des sous-officiers, que la batterie de 14 centimètres du C*** est dirigée par un enseigne de vaisseau de 2e classe, un « midship, » si vous le voulez bien ? Et voilà, n’est-ce pas, un tableau un peu noir de la situation de l’armée navale ? Un peu noir, peut-être, mais exact cependant, croyez-le… »

Je ne sais pas bien, malgré tout, si je dois le croire. Certains traits, assurément, voudraient être adoucis. A d’autres, je ne vois rien à reprendre. Il est certain que nous n’avons plus assez d’officiers[2]. Dès 1896, date de la promulgation de la dernière loi

  1. Les règlemens prescrivent, depuis plusieurs années, l’embarquement de 50 à 60 hommes sur les grandes unités de combat, au moment de la mobilisation. Mais l’armée serait-elle à Toulon à ce moment et, si elle y est, aura-t-elle le temps d’attendre ce supplément d’effectif, d’ailleurs insuffisant et nullement exercé ?…
  2. Il y a quatorze ans, il en allait tout de même (voyez l’article déjà cité de la Revue, du 1er septembre 1900, page 191). Faut-il rappeler qu’en 1783, à la plus belle époque de notre marine, un vaisseau français sortant de Brest, et à son premier armement, fut capturé par un vaisseau anglais de même force parce que ni son équipage, ni surtout son état-major n’étaient au complet ! La batterie principale était commandée par un enseigne de vaisseau nouveau promu.