Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/605

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

retour en France avait été faite par le Duc d’Orléans (le roi Louis-Philippe) à la grande-duchesse Stéphanie de Bade. ! Le nouveau roi ajoutait qu’il fallait attendre, que le temps arrangerait tout. Il y a là des possibilités que la Reine entrevoit, auxquelles elle s’attache, et qui ne font que rendre plus difficile le problème de la conduite à tenir par elle en ce moment.

Nous causions de cela, quand Mme Lætitia, fille aînée de la reine de Naples, est apparue. Elle est mariée ici à un marquis Pepoli, qui ne parle pas français, La conversation s’est bientôt détournée sur le sujet de M. Fortuné de Brack.

Il était le mois dernier chez la Reine à Arenenberg. Ayant su par elle la commission dont la grande-duchesse Stéphanie était chargée, il a dit : « Le Roi m’en avait parlé en effet, mais j’avais oublié de vous le dire… » Les qualités de M. de Brack sont d’être un très joli homme et un très brillant officier de cavalerie légère. Dans les salons, on l’appelait, « Mlle de Brack, » à cause de sa chevelure blonde et de l’élégance de sa taille ; il plaisait par son charmant visage et par son talent de chanteur. On appréciait, aux avant-postes, son entrain, son courage, son esprit mordant comme le tranchant de son épée. Aide de camp du général Colbert en 1813, il fut distingué particulièrement par l’Empereur et mis aux lanciers de la vieille garde, où il servit jusqu’à Waterloo. Le nouveau gouvernement a eu le bon goût de le replacer dans la cavalerie, et de le nommer lieutenant-colonel. Mais le défaut de M. Fortuné est la hâblerie. N’a-t-il pas déclaré au prince Louis, qui en rit comme un fou, qu’il avait songé à lui pour la présidence d’une république en Belgique ? Il se vante d’avoir fait l’an dernier le mariage de la princesse Amélie de Leuchtenberg, troisième fille du prince Eugène, avec l’empereur du Brésil dom Pedro, veuf en premières noces de l’archiduchesse Léopoldine d’Autriche. par-là il déplaît fort à la duchesse de Leuchtenberg, qui est très hautaine et qui n’a rien eu à démêler avec lui à ce sujet. Son rôle s’est borné à donner la réplique à l’ambassadeur du Brésil dans une conversation où la princesse Amélie s’est trouvée nommée parmi d’autres princesses à marier. Il a eu le front d’écrire tout de suite à la Reine pour lui demander si cet établissement conviendrait à sa nièce. Le mariage une fois conclu, il a voulu se payer de ses services en accompagnant la princesse au Brésil et s’est fait nommer colonel dans l’état-major de dom Pedro ;