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rayonnement de certaines institutions libres du Nord n’ont point à s’en féliciter.

A en croire pourtant quelques professeurs distingués, cette tendance à l’étatisme aurait son contrepoids dans une renaissance des idées spiritualistes qui, par surcroît, saura tenir en échec la propagande socialiste. Ce jugement peut paraître bien optimiste, surtout en présence de l’accroissement des voix socialistes aux dernières élections législatives. La divergence des deux opinions peut s’expliquer par le fait que l’action politique et l’action intellectuelle sont plus divisées qu’il ne le faudrait pour l’honneur du Parlement. Le socialisme qui force les portes de la Chambre est surtout un produit de la misère des masses. Mais il faut ici scinder le problème, car il comprend deux aspects, celui du droit proprement dit vu dans ses principes supérieurs et celui de cet ensemble plus ou moins ordonné où figurent côte à côte la politique, l’économie sociale et l’économie politique.

Les cours de philosophie du Droit sont obligatoires en toute faculté de jurisprudence : ils ne pouvaient pas ne pas provoquer des théories assez diverses. Pendant une longue période, c’est l’empirisme qui y régna, et il y est encore représenté par des professeurs qui ont de quoi faire parler d’eux, mais sans éclat. Dans un travail émané d’un professeur de l’université de Gênes et dans l’appréciation qui en est faite par un de ses collègues de Ferrare, je trouve que les deux maîtres ont voulu construire un droit et une morale entièrement indépendans de toute métaphysique. Point de « devoir être. » Ce qui est suffit ; mais d’où vient ce qui est ? D’où viennent les règles, les coutumes, les institutions ? Tout cela est l’œuvre complexe d’une formation naturelle de la société sous l’action de préférences partagées… plus ou moins volontiers, et de certaines idéalités dont l’attrait se trouve être subi par un nombre suffisant d’individus. Ni le droit ni la morale ne sauraient, du reste, rien fournir ni rien accepter de « normatif. » Il y aura seulement chez quelques-uns une « ferveur d’idéalisation » toute subjective qui pourra être contagieuse pour un temps. Départ et d’autre il n’y aura que des faits de sensibilité.

Ces vues, — qui sont loin d’être originales, — ne sont pas acceptées sans résistance. Le très distingué professeur de philosophie du Droit à l’université de Bologne, M. del Vechio, me