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nation, les Bonaparte se résigneraient à voir Louis-Philippe durer en France et se rallieraient à la monarchie de Juillet (Moi, qui écoute la Reine et me garde de l’interrompre, j’aurais pour l’Italie un jeune roi tout prêt, qu’elle jugerait sûrement à sa convenance ; c’est le prince Napoléon-Louis). Elle ajoute aussitôt que l’unité italienne n’est qu’un leurre, parce qu’elle consacrerait ici le triomphe des idées françaises, le recul de l’Autriche, l’abandon de tout le système suivi par M. de Metternich, et certes ce n’est pas au moment où le contre-coup des événemens de Paris produit partout des commotions si fortes, que notre ennemi juré abandonnerait à notre influence ce merveilleux pays italien.

Il n’est pas moins naïf de croire que le roi de Rome puisse jamais régner sur la France ; ou bien il faudrait préparer cet avènement par des troubles tels et une anarchie si prolongée que M. de Metternich pourrait alors trouver commode de nous faire gouverner par le duc de Reichstadt. Pour le peuple parisien, le fils de l’Empereur est un prince autrichien, dont la mère n’a jamais été aimée, dont la vie vassale et prisonnière rappelle l’abaissement dans lequel l’Empire a fini. Ainsi s’explique l’indifférence à laquelle le général Gourgaud s’est heurté quand il a cru pouvoir opposer Napoléon II à Louis-Philippe et quand il a adressé, dans ce sens, son appel inutile à la population de Paris.

La protestation du roi Joseph, la Reine en a peur, restera elle-même sans effet. Elle vient à la traverse des réclamations que les autres Bonaparte : adressent au gouvernement de Paris, et qui tendent à en obtenir des douaires ou des dotations. Ce contretemps ne se serait pas produit si la famille impériale était plus unie, et, comme ledit Madame Mère, moins dispersée.

L’Empereur lui-même avait vu cet écueil et il l’avait signalé dans une note dictée aux dernières heures de sa vie, au milieu de ses spasmes et de ses souffrances. Cette note a été remise depuis au roi Joseph par le général Bertrand. Il y était dit que les Bonaparte devaient s’emparer de Rome par des alliances avec les familles princières, que là était leur place, qu’il y avait des Bonaparte à Rome dès l’an 1000, qu’un Bonaparte avait décrit, en 1540, le sac de Rome par le Connétable de Bourbon. Madame Mère, la princesse Pauline, le cardinal Fesch doteraient les enfans de Lucien, de Louis, d’Elisa et les aideraient à faire des établissemens. L’Empereur ajoutait, à l’adresse de Jérôme et