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de la Reine Caroline, que la Suisse leur convenait mieux que l’Italie. Ils trouveraient là une protection et vivraient plus dignement qu’ailleurs, plus agréablement aussi ; ces considérations s’appliquaient encore au roi Joseph.

Le comte de Survilliers, en demeurant à Point Breeze, n’a pas obéi aux désirs de son frère. Au contraire, la Reine, en partageant sa vie entre Arenenberg et Rome, s’était conformée par avance au testament de Sainte-Hélène.


Jeudi, 9 décembre.

La maison du cardinal Fesch ressemble à celle d’un brocanteur. Les tableaux tapissent les murs, s’empilent en tas par terre et l’ont si bien envahi qu’il a dû se réfugier dans trois petites pièces au dernier étage du palais. Le souffle manque quand on arrive là. Pour un homme malade et vieux, c’est assez mal imaginé ; mais la vue qu’on a des fenêtres est admirable. On découvre devant soi le Tibre aux eaux jaunes, et, par-delà le fleuve, le beau jardin du palais Farnèse, avec ses épais feuillages d’orangers. Un terrain en amphithéâtre, tout surmonté d’édifices, complète ce spectacle, l’un des plus beaux que j’aie vus à Rome.

De là, nous sommes allées un instant chez le prince de Montfort, où j’ai baillé tout à mon aise près des tables de jeu. Les dames de la maison se disputaient la place ; la petite Frosconi, dont les yeux louches me déplaisent décidément, était aux prises avec la marquise Azzolini.

Le prince Charles-Lucien de Musignano est bientôt arrivé avec la princesse. Il a les beaux yeux et le beau profil des Bonaparte ; comme eux tous, il est instruit, spirituel et lettré, avec un goût prononcé pour l’histoire naturelle. Dès l’époque où il habitait Worcester avec son père, il s’intéressait déjà aux oiseaux. Pendant son séjour en Amérique, après son mariage avec la princesse Zénaïde, il rédigea et publia une Ornitologia americana qui le fit connaître dans le monde savant.

Le prince Louis avait promis de venir nous reprendre ; sous prétexte de rhume, il s’en est abstenu. Ses absences perpétuelles justifient assez les soupçons de ceux qui le disent affilié aux révolutionnaires romains. L’Italie l’attire aujourd’hui. Il y a deux ans, c’était la Grèce, où son cousin Paul, fils de Lucien,