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Hollandais et que la langue hollandaise était une langue germanique. Je précisai davantage ; et il finit par me dire que les étudians japonais trouvaient chez les Allemands des facilités de travail plus grandes, une discipline sociale plus en harmonie avec celle du Japon, enfin des idées peut-être moins subversives.

Je ne méconnaissais point la part de vérité qui entrait dans cette réponse. Mais il ne me disait pas tout ; il ne voulait pas me dire : « Pourquoi ne vous défendez-vous pas ? Si nous vous délaissons, c’est que vous vous abandonnez. » En effet, pourquoi ne nous défendions-nous pas ? Les armes nous manquaient pour le faire. Les Allemands possédaient un journal, rédigé en anglais, une revue et surtout une agence télégraphique, qui alimentait les journaux japonais et leur distribuait à bas prix les calomnies les plus effrontées. Non seulement ils ajoutaient à nos travers, mais ils en inventaient. Ils francisaient leur corruption et germanisaient nos inventions. Ils mentaient chaque jour avec une obstination que renforçait encore leur impunité ; car nous n’avions, pour les démentir, ni journal, ni agence, rien. Les Français, impuissans, haussaient les épaules ou prenaient l’habitude de baisser la tête. Mais dans les feuilles qui leur arrivaient de France, et qui leur apportaient l’écho de nos tribunes officielles, ils lisaient que notre pensée continuait de rayonner sur le monde. Et cela leur faisait grand plaisir.

Nous gardions cependant une position importante et dont il semblait que personne ne pût nous déloger. Nous représentions encore pour l’Extrême-Orient une grande idée, l’idée catholique. Depuis la réouverture du Japon, nos Missions Étrangères avaient reçu de Rome le privilège d’y travailler. Elles y ont fait tout ce qui leur était humainement possible, sans créer la moindre difficulté à notre diplomatie et sans blesser en quoi que ce fût la susceptibilité nationale des Japonais. Nous avions, grâce à elles, dans chaque ville et dans bien des campagnes, un Français qui enseignait le français, qui réagissait contre les influences antifrançaises et dont les efforts associaient indissolublement l’image de la France à celle du désintéressement et de l’abnégation. Ces consuls et ces agens consulaires de l’ordre spirituel ne nous coûtaient rien. Notre rupture avec Rome a ouvert dans cette œuvre admirable de défense et d’expansion une brèche par où l’ennemi a passé. Ces dix dernières années