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et la France demandaient à l’Autriche. La demande ne paraîtra pas excessive, puisqu’il s’agissait de la paix du monde.

Mais le sort d’une demande si raisonnable fut assez curieux. Un singulier changement de rôles se produisit, le 25, entre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie. L’Allemagne qui, le 24, avait posé le principe de la localisation du conflit avec une rudesse menaçante, semble se laisser gagner, le 25, par un optimisme ondoyant, nonchalant et dilatoire qui caractérisera pendant plusieurs jours sa politique. Etait-ce l’effet des déclarations si nettes et si précises de M. Sazonoff à l’ambassadeur d’Allemagne ? Y a-t-il eu, à Berlin, un moment d’hésitation et de perplexité ? A-t-on voulu calmer les inquiétudes naissantes ? Toujours est-il que, le 25 juillet, M. de Jagow, le ministre prussien des affaires étrangères, déclara à l’ambassadeur d’Angleterre à Berlin que le Gouvernement Impérial consentait à transmettre à Vienne la demande russe pour le prolongement du délai, tout en doutant qu’elle pût arriver à temps. Il ajouta que les déclarations du comte Berchtold sur les intentions de l’Autriche calmeraient l’opinion russe ; il tâcha de convaincre l’ambassadeur que même une attaque de l’Autriche contre la Serbie ne pourrait pas, après les déclarations du comte Berchtold, amener une guerre générale ; il se montra persuadé que le conflit serait en tout cas localisé ; il déclara que l’Allemagne ne voulait pas la guerre et qu’elle était prête à agir a Vienne et à Saint-Pétersbourg dès que les relations entre la Russie et l’Autriche menaceraient de se rompre. Il admit enfin que la note autrichienne laissait à désirer, comme document diplomatique ; mais il nia l’avoir connue avant sa publication. Il répéta les mêmes choses, au chargé d’affaires russe[1]. En somme, comparé avec la note du 23, ce langage était conciliant. Le même jour, à midi, l’ambassadeur d’Allemagne à Paris alla protester au Quai d’Orsay contre un article de l’Écho de Paris qui qualifiait de « menace allemande » la communication du jour précédent sur les « conséquences incalculables » de l’intervention d’une Puissance quelconque dans le conflit austro-serbe. Il n’y avait eu ni « concert » entre l’Autriche et l’Allemagne, ni « menace » allemande : « le gouvernement allemand s’était contenté d’indiquer qu’il estimait désirable de localiser le conflit[2]. » Par malheur, la

  1. Great Br., doc. n. 18. — Livre Jaune, doc. 41 et doc. 43.
  2. Livre Jaune, doc. 36.