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bonhomie, n’était rien moins qu’une capitulation totale de la Russie. La Russie, comme en 1909, aurait payé les frais de la paix européenne ; et l’Allemagne serait sortie de cette crise avec un triomphe diplomatique. Aussi il n’est point surprenant que cette démarche allemande ait échoué. Londres et Paris répondirent que l’endroit où il fallait agir pour sauver la paix, c’était Vienne, et non Saint-Pétersbourg[1] ; et le seul résultat de toutes ces discussions fut que l’on perdit encore un peu de temps. Il n’y avait, à ce moment, qu’un moyen de sauver la paix, qui était d’accepter sans retard, avec sincérité, te projet anglais. C’est ce que l’Italie avait fait dès le 26[2]. Le 27, la France donnait son adhésion[3] ; et la Russie déclarait que « si des explications directes avec le cabinet de Vienne se trouvaient irréalisables, » elle était prête « à accepter la proposition anglaise ou toute autre de nature à résoudre favorablement le conflit[4]. » Il ne manquait donc plus que l’adhésion de l’Allemagne, et la paix du monde était peut-être sauvée. Mais l’Allemagne repousse, le 27, le projet anglais, après d’inexplicables contradictions. M. Jules Cambon, ambassadeur de France à Berlin, télégraphiait qu’il avait entretenu, le 27, M. de Jagow de la proposition anglaise (Livre jaune, n. 67).

« Je lui ai fait remarquer que la proposition de Sir Edward Grey ouvrait la voie à une issue pacifique. M. de Jagow m’a répondu qu’il était disposé à y entrer, mais il m’a fait remarquer que si la Russie mobilisait, l’Allemagne serait obligée de mobiliser aussitôt. Je lui ai demandé si l’Allemagne se croirait engagée à mobiliser dans le cas où la Russie ne mobiliserait que sur la frontière autrichienne ; il m’a dit que non et m’a autorisé formellement à vous faire connaître cette restriction. »

Le même jour, Sir Edward Grey télégraphiait à l’ambassadeur anglais à Berlin (Great Br., n. 46) : « L’ambassadeur d’Allemagne m’a informé que le gouvernement allemand accepte en principe la médiation des quatre Puissances entre l’Autriche et la Russie, réservant, naturellement, son droit d’aider l’Autriche, si l’Autriche était attaquée. » Le gouvernement allemand semblait donc bien disposé. Mais quand Sir E. Goschen, l’ambassadeur d’Angleterre, rentré le même jour à Berlin, se rendit chez M. de Jagow, il reçut une réponse officielle bien différente.

  1. Great Dr., doc. n. 46 ; Livre Orange, doc. n. 28 ; Livre jaune, n. 56.
  2. Great Br., doc. n. 35.
  3. Great Br., doc. n. 51.
  4. Livre Orange, doc. n. 32.