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partie de leur capital ; ils ont assisté impassibles à la ruine de leurs usines, au bombardement et à l’incendie de leurs maisons et, dans un cataclysme qui menace d’engloutir leur fortune, ils se sont noblement détachés de cette fortune si précaire pour placer plus haut leur idéal, le but et l’honneur de leur vie. A quelque milieu qu’elle appartienne, commerce, industrie, banque, agriculture, toute richesse acquise a subi, par le fait de la guerre, une profonde atteinte ; ce qui peut en rester, dépouillé de l’appui des lois, menacé par des règlemens restrictifs, rogné par le moratorium, n’est point pour exciter l’envie. L’argent est détrôné : beaucoup n’en ont plus et, parmi ceux qui en possèdent encore, les uns le donnent, les autres le cachent, mais nul ne l’étale et personne n’en est plus fier. Dans ce brusque nivellement qui a opéré en quelques mois de tels changemens, et qui a transformé la société française, le sentiment qui domine, c’est un besoin général d’union, un souffle ardent et profond de solidarité. Le mot est tellement adéquat à la situation qu’il semble avoir été fait pour elle. En somme, de la mise en commun des anxiétés, des espoirs, des énergies, des sacrifices, se dégage une unité admirable, telle qu’aucun peuple n’en a jamais connu et qui est comme le rayonnement de l’âme de la France ! C’est là ce qui nous donne une confiance absolue dans l’issue de la lutte, et c’est là aussi ce qui restera comme un précieux prolongement de la victoire. Car on profitera de ce merveilleux élan national pour résoudre les problèmes sociaux dans un esprit de sincère justice et de généreuse fraternité.

L’œuvre est déjà assez avancée, et l’ensemble des lois sociales élaborées sous la troisième République forme un monument d’une assez vaste structure, mais qui est loin d’être parfait :

Lois de liberté et d’émancipation des travailleurs, notamment la loi sur les syndicats étayée sur les lois qui ont libéré les associations et les réunions publiques ;

Lois de protection réglementant les conditions du travail, assurant l’hygiène des ateliers, prenant des mesures spéciales pour ménager les forces des femmes et des enfans ;

Lois d’assistance aux malades, aux vieillards, aux femmes en couches, aux familles nombreuses, comprenant dans un immense réseau de secours toutes les formes de la misère humaine ;