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Dixmude[1]

Un chapitre de l’histoire des fusiliers marins



I


I. — VERS GAND

Le 8 octobre au matin, dans l’aube grise du petit jour, deux trains régimentaires se croisaient en gare de Thourout. L’un de ces trains contenait des carabiniers belges ; son vis-à-vis, des fusiliers marins. D’une rame à l’autre on s’interpellait. Les carabiniers agitaient leur petit bonnet de police à liséré jaune et criaient : « Vive la France ! » Les marins ripostaient par des vivats en l’honneur de la Belgique.

— Où allez-vous ? demanda un officier belge.

— À Anvers. Et vous ?

— En France.

Il expliqua que les carabiniers étaient des recrues de la Campine qu’on dirigeait vers nos lignes, pour compléter leur instruction.

— Vous les formerez vite, hein ? dit un marin à l’officier.

Et, montrant le poing à l’horizon :

— Et soyez tranquille, mon lieutenant. On finira bien par les avoir, ces fumiers !…

L’officier belge qui rapporte la scène, M. Edouard de Kayser,

  1. Les sources auxquelles nous avons recouru pour l’établissement de cette relation sont de diverses sortes : communiqués officiels, rapports français et étrangers, etc. Mais la majeure partie de nos renseignemens nous viennent de correspondances privées, rassemblées par M. de Thézac, le modeste et zélé fondateur des Abris du marin, de carnets de route obligeamment prêtés par leurs auteurs, d’enquêtes verbales près des survivans de Melle et de Dixmude. Le plus souvent que nous l’avons pu, nous avons cédé la parole à nos correspondans, avec le regret de ne pouvoir soulever l’anonymat que leur impose une consigne rigoureuse, mais, espérons-le, toute provisoire.