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gouvernement impérial dans le règlement de la succession de Brunswick ! Le serment de fidélité à l’Empereur, prêté en entrant dans l’armée prussienne par le duc Ernest de Cumberland, héritier du duché et gendre de Sa Majesté, ne parut pas suffisant au Kronprinz (comme, d’ailleurs, à un grand nombre de vrais Prussiens) pour que son beau-frère fût admis à recueillir le dernier héritage des Guelfes, qui devait lui revenir légitimement. On aurait dû, disait-il, exiger en outre du duc Ernest une renonciation formelle des prétentions de sa famille à la couronne de Hanovre. L’Empereur se montra plus avisé et plus politique, et le jeune couple ducal put faire sa joyeuse entrée à Brunswick. Une partie de la presse allemande, impatientée de la continuelle ingérence du Kronprinz dans des affaires qui ne le regardaient pas, lui rappela durement à cette occasion qu’il n’était rien d’après la Constitution prussienne ni d’après celle de l’Empire, et qu’il n’avait que le droit dévolu à tout citoyen d’exprimer son opinion comme simple particulier.

Cette recherche incessante d’une popularité personnelle amena des scènes de famille que la curiosité du public devina derrière les murs des palais de Berlin et de Potsdam, si muets qu’ils soient d’ordinaire. L’exil du Kronprinz à Dantzig n’eut pas d’autre cause que son intempérance de plume et de langage. On l’envoyait en pénitence à l’extrémité de la monarchie, sous prétexte de lui faire apprendre son métier de colonel. On s’aperçut au bout d’un certain temps qu’il était plus encombrant dans sa lointaine garnison et moins en surveillance qu’à Berlin ; on le fit revenir à l’état-major général, pour l’initier aux secrets de la stratégie et de la tactique prussiennes, en réalité pour le tenir sous l’œil paternel. Il ne faut pas exagérer, d’ailleurs, les conséquences de ses incartades qui sont de tradition chez les héritiers du trône des Hohenzollern. Frédéric II, célèbre déjà en Europe comme prince royal par ses démêlés avec son père, le gros Frédéric-Guillaume, n’était pas le premier héritier présomptif qui se fût rebiffé en Prusse contre l’autorité paternelle. Et depuis, au siècle dernier, l’empereur Guillaume Ier, alors qu’il n’était encore que le successeur éventuel de son frère, Frédéric-Guillaume IV, tint pendant tout le règne de celui-ci une petite cour princière, foyer de critique et d’opposition, vis-à-vis de la cour royale. Et l’Empereur actuel ? À qui fera-t-on croire qu’il n’aurait pas causé,