Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 26.djvu/437

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par le courant, quand on lâchait le bout du câble, dans la précipitation d’une manœuvre inopinée.

Ce très moderne transbordeur offrait deux graves inconvéniens : sa hauteur connue permettait de rectifier du large le tir des pièces et de bombarder à coup sûr ; de plus, la chute du tablier ou d’un pylône pouvait amener l’obstruction du canal. Fort heureusement pour la défense du port, on démonta ce dispositif, lorsque la largeur du canal fut doublée (1904).


L’Angleterre et l’Italie possèdent en Méditerranée des points d’appui importans par leur situation, sinon tous par leur puissance : Malte, Gibraltar, Spezzia, Naples, Maddalena, Tarente, et bientôt, dit-on, Augusta (Sicile) et Tobuck (Cyrénaïque). Avant Bizerte, la France n’avait que Toulon pour seul refuge. En guerre avec les Puissances méditerranéennes, que seraient devenues nos forces navales, avec cette base unique au Nord du bassin occidental ? Un cuirassé, blessé grièvement par une explosion de mine, aurait-il pu rallier Toulon à coup sûr ?

Précisons. Nous sommes en guerre avec un ou plusieurs ennemis. A la suite d’un combat même heureux, l’escadre française, ralentie par le remorquage des unités avariées, ses soutes à charbon et à munitions à peu près vides, ses équipages réduits par le feu, cherchera un abri pour se ravitailler, panser ses blessures et se préparer à de nouveaux combats. Si les adversaires bloquent Toulon, Bizerte est parfaitement placée pour offrir un asile inviolable.

L’amiral Gervais appuyait ces considérations :

« A Bizerte, il faut faire grand, disait-il avec raison, ne pas lésiner sur les moyens qui doivent nous donner en Méditerranée un deuxième point d’appui indispensable à toute combinaison stratégique. »

Cet aperçu sur le rôle de Bizerte mettait en relief l’effort financier nécessaire.

Restait à déterminer l’emplacement de l’arsenal. On hésitait entre deux sites : Menzel Abder-Rhaman, au Nord-Est du lac, et Sidi-Abdallah, au Sud-Ouest. En 1891, l’amiral de Beaumont, critiquant le premier emplacement, optait pour Sidi-Abdallah…