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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 26.djvu/488

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II

Guillaume II a suivi les traditions de son grand-père pour maintenir l’armée allemande à la hauteur qu’avait atteinte l’armée prussienne. Mais il n’a pas eu la main aussi heureuse dans le choix des hommes ; les Moltke et les Roon sont rares à toutes les époques. Sous son règne, comme sous le règne précédent, l’état-major général et le ministère de la Guerre ont collaboré étroitement. Au premier, composé d’officiers soigneusement triés, incombent l’élaboration et la mise au point des opérations stratégiques contre les adversaires, quels qu’ils soient, auxquels l’empire allemand aurait à faire face ; au second, l’administration de l’armée, son perfectionnement continu, la présentation et la défense devant le Reichstag du budget de la Guerre et des nouveaux projets de loi militaires. Un troisième organisme se superpose à Berlin aux deux premiers ; son action est plus occulte, moins facile à saisir, mais, dans certaines circonstances, elle est décisive, c’est le cabinet militaire de l’Empereur. L’avancement et la mise à la retraite des officiers constituent une de ses attributions les plus redoutables. Après les manœuvres annuelles, il est l’exécuteur des condamnations prononcées par le souverain contre les incapables, les invalides et les malchanceux. Il intervient encore, au nom du chef de l’armée, dans toutes les questions qui la concernent. Son influence s’étend même sur la politique extérieure, si l’armée est appelée à y jouer un rôle.

Depuis une dizaine d’années, un courant d’opinion s’était formé, en Prusse principalement, poussant à de nouvelles luttes européennes, et ses adhérens ont été désignés à l’étranger sous le nom général de parti de la guerre. Il se recrutait parmi les feld-maréchaux et colonels généraux, les généraux en activité de service, les aides de camp de l’Empereur, les fortes têtes de l’état-major, pour descendre jusqu’aux grades subalternes, peuplés d’officiers ambitieux. Ajoutez-y les militaires retraités, hobereaux réactionnaires, vivant sur leurs terres et qui voyaient croître rapidement la richesse du pays, le bien-être et les besoins de luxe augmenter en même temps que les impôts, sans que leurs revenus personnels connussent la même progression. Ces mécontens pensaient qu’une saignée serait salutaire pour