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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 26.djvu/489

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épurer et régénérer le corps social, pour rendre du même coup à la caste nobiliaire la prépondérance qu’elle devrait toujours posséder dans l’État et que les nouveaux enrichis de l’industrie et du commerce menaçaient de lui dérober.

Outre les élémens militaires, naturellement plus importans, les partisans de la guerre ont compté parmi eux un grand nombre de civils : d’abord la majorité des hauts fonctionnaires prussiens, les conservateurs purs du Reichstag et les conservateurs du parti de l’Empire, ainsi que des membres des autres partis bourgeois, puis des écrivains patriotes, des journalistes et la fleur intellectuelle des universités et des écoles, tous hantés par l’image d’une Germanie soumettant le monde par ses armes, comme elle croyait l’avoir conquis déjà par sa culture supérieure et sa science prééminente. Leurs ambitions maladives étaient servies par une presse hargneuse, jalouse des races représentant la civilisation du passé, en qui elle se plaisait à voir des rivales déchues de la noble race germanique, appelée à faire goûter à l’univers asservi les délices de la civilisation à venir.

Le parti de la guerre avait l’appui dévoué du Wehrverein, ligue militaire aux puissantes ramifications, étendues depuis quelques années sur toute l’Allemagne. Le Wehrverein ne s’était pas donné seulement pour programme de défendre les intérêts légitimes de l’armée. Ses assemblées périodiques formulaient des desiderata qui visaient aussi bien les lacunes à combler dans l’armement, la composition des troupes et les services techniques, que les desseins politiques dont l’armée devait être l’instrument. Enfin l’esprit belliqueux était entretenu chez les classes inférieures par les nombreuses sociétés de vétérans, les Kriegsvereine. Leur nom significatif indique assez qu’elles s’employaient à contre-miner énergiquement les tendances pacifiques qui gagnaient tout le corps d’une nation où le développement extraordinaire de l’industrie et du commerce avait fait naître la préoccupation fiévreuse de s’enrichir.

Les revendications des partisans de la guerre ont trouvé leur expression dans une littérature politico-militaire. Ses écrivains prêchaient ouvertement une lutte européenne comme le seul moyen de parachever l’œuvre de Bismarck, en donnant à l’Allemagne la place qui lui revient à la tête des nations. Le type de ce genre spécial est le livre, aujourd’hui célèbre, du