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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 26.djvu/499

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d’engins aussi irrésistibles devait contribuer à fortifier encore la confiance inébranlable des autorités militaires dans l’invincibilité de leurs soldats.

Le chancelier défendit le projet par un discours où il développa le thème de l’exposé des motifs, en évoquant, en termes vagues, le nationalisme très surexcité en France et le panslavisme très remuant en Russie comme des spectres redoutables pour le maintien de la paix. Le ministre de la Guerre osa soutenir sérieusement que la nouvelle loi ne constituait pas une menace à l’adresse des autres nations, mais une garantie pacifique et qu’elle n’avait aucun caractère agressif. Le général de Heeringen nous la baillait belle !

Dès que la discussion s’ouvrit à la Commission du budget, il fut évident que le vote final était assuré. Un mois après, la Commission adopta la loi militaire, sans examiner en même temps sa couverture financière et le gouvernement dut renoncer à l’espoir de voir les deux projets votés par la même majorité. Les socialistes, les Polonais et les Alsaciens-Lorrains osèrent seuls au Reichstag se prononcer contre la loi militaire.

Le Wehrverein n’était pourtant pas encore satisfait. Dans une assemblée tenue à Leipzig le 18 mai, il réclama sous forme de desiderata deux nouveaux corps d’armée et, « afin qu’aucun ennemi ne foulât plus jamais le sol de la patrie, » il conseilla de veiller d’une manière incessante à la culture de l’esprit patriotique et guerrier de la nation, l’esprit de l’armée étant celui du pays.

Il était malaisé, malgré l’aveuglement le plus complaisant, de ne voir pas dans la loi de 1913 une préparation à une guerre peu éloignée. Elle l’annonçait aussi distinctement que les sonneries de clairon annoncent la bataille en rassemblant les combattans. Et cependant l’Europe, hypnotisée par d’autres visions, — la guerre des Balkans qui allait recommencer, — ne prêta pas aux discussions du Reichstag l’attention inquiète qu’elles méritaient. Peut-être aussi était-elle encore abusée par le pacifisme menteur du Kaiser. La triple Entente restait animée des désirs les plus pacifiques, au témoignage des esprits impartiaux qui étaient au courant du sentiment public et des aspirations des hommes d’Etat au pouvoir dans les trois pays. Le dessein de provoquer la lutte ne peut donc être attribué qu’au