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automatiques du temps des guerres contre les Balkaniques et contre les Italiens, avec, par surcroît, les filets qui embarrassent et arrêtent les sous-marins.

Et tout cela est juste, en principe, et même a déjà été dit, avec plus ou moins de précautions, par certains organes de la presse quotidienne, particulièrement qualifiés. Il n’est pas discutable, en effet, que si, dès le 15 novembre, par exemple, une importante force navale anglo-française s’était présentée devant les Dardanelles, avait éteint les feux des deux groupes de batteries de l’entrée du détroit et débarqué quelques troupes soit à Seddul Bahr même, soit dans l’anse qui se creuse au Nord-Est de ce point fortifié, on eût occupé quasi sans coup férir la pointe de la longue presqu’île de Gallipoli, on se serait solidement retranché sur le plateau d’Adzi Baba (l’ancien Kyparissa), et, flanqué des deux côtés, à trois kilomètres au plus de distance, par la puissante artillerie des vaisseaux, on aurait défié, là, toutes les attaques des Germano-Ottomans. L’expérience que nous avons maintenant de la puissance d’une position bien organisée ne permet pas d’en douter. Et, ce pied pris sur l’essentiel boulevard de la capitale turque, la marche en avant eût été singulièrement facilitée, à quelque époque que l’on voulût l’entreprendre, pas trop tard, pourtant…

— Il se peut, disent d’autres stratégistes, et non des moindres. Seulement vous parlez d’un postulatum que nous n’admettons pas. Vous dites : « puisque aussi bien il fallait la faire, cette grosse expédition… » Or, justement, tel n’est point notre avis. C’est une diversion, c’est une opération secondaire, sur un théâtre fort éloigné de celui-là seul qui nous importe ; et les diversions sont inutiles, quand elles ne sont pas nuisibles. Elles ne décident jamais rien et retardent au contraire la décision suprême parce qu’elles enlèvent aux opérations principales des forces intéressantes. Donc, point de diversions ! Tout pour le choc violent, pour l’offensive en masses profondes que tout le monde sent bien qui va se produire des Vosges à la mer du Nord !…

Voilà deux opinions fort opposées, et cette opposition n’est point nouvelle. Toute l’histoire militaire en est pleine et aussi tous les traités de stratégie. De 1793 à 1814, alors que les principes essentiels de l’art de la guerre étaient déjà parfaitement fixés, on ne cesse de faire des diversions. Napoléon les blâme et il on fait lui-même, ou bien sa politique l’y engage,