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abattement ni désespoir, à la France : Laissez-nous lutter seuls contre notre destinée pour ce principe de nationalité que vous nous aviez promis de défendre. Nous déplorerons encore une illusion (de) perdue, vous déplorerez plus tard la perte d’une alliée puissante et fidèle. Mais en nous enlevant votre appui, vous ne nous enlèverez pas, s’il plaît à Dieu, nos droits imprescriptibles à la liberté, et notre résolution inébranlable de combattre tous et toujours pour revendiquer l’exercice de ces droits, l’indépendance absolue du sol lombardo-vénitien, l’affranchissement enfin de l’Italie tout entière de cette tyrannie étrangère qui directement ou indirectement l’opprime. »

« Suivent plusieurs milliers de signatures, parmi lesquelles celles de plusieurs généraux, ministres, chargés d’affaires du gouvernement lombardo-vénitien ; de plusieurs journalistes, officiers supérieurs, M. Mazzini, général de Maistre, Restelli, etc.[1]. »

J’ai feuilleté la collection du Siècle en septembre-octobre 1848, mais je n’ai pas trouvé trace de cette adresse dans le journal. Cependant, tout en rédigeant des adresses et en écrivant des articles, la princesse Cristina avait fondé deux nouveaux journaux : Il Crociato et La Crocie di Savoja. Mais cette activité de plume n’entravait pas sa vie mondaine. Chez Armand Marrast, dans le fameux bal troublé par le populaire, la princesse apparaissait vêtue en Italie, et appuyée sur la princesse Czartoriska vêtue en Pologne.

Elle est toujours belle, mais si pâle, si pâle, qu’un gamin en la voyant dans la rue s’écriait : « Ah ! celle-là qui a oublié de se faire enterrer[2] ! » et que chez Mme Ancelot, une dame, à qui sa voisine demande comment elle la trouve, répond : « Elle a dû être bien belle de son vivant ! »

Mais l’Italie domptée n’était pas vaincue. « Un esprit de défi soufflait sur la population tout entière. » Voici le genre d’instructions adressées aux Lombardo-Vénitiens, qui circulaient imprimées, malgré la surveillance de la police.

« Tenez-vous prêts à frapper le grand coup ; inquiétez sans cesse l’ennemi, ne lui laissez ni paix ni trêve, épiez ses mouvemens, prenez-le à l’improviste, égorgez-le sans merci, surtout les officiers. Refusez l’impôt… ne rien user d’allemand.

  1. Communiqué par M. H. Prior.
  2. Mme Adam, Mes premières armes littéraires et politiques.