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impliqués ; il l’a engagé à ne pas supposer, d’après le ton amical de leurs conversations, que l’Angleterre ne s’associerait pas à une action générale. Sans doute, si, dès le début, elle avait pris ouvertement position à côté de la Double-Alliance, elle aurait pu enrayer le cours fatal des événemens. Telle est du moins l’opinion la plus répandue, car une guerre maritime n’entrait certainement pas dans les plans de l’Empereur et de l’amiral de Tirpilz, et elle était le cauchemar du commerce allemand. Mais, à la date du 29, une menace directe de l’Angleterre, un rugissement soudain du lion britannique, n’auraient plus, je le crois, fait reculer Guillaume II. Le souvenir de l’incident d’Agadir était trop cuisant pour l’orgueil germanique. L’Empereur aurait craint de perdre tout prestige aux yeux d’une partie de ses sujets, si, sous les injonctions anglo-saxonnes, il avait renoncé à aller de l’avant, donnant ainsi créance aux reproches de ceux qui l’accusaient de ne faire qu’une politique de bluff et d’intimidation. L’Allemagne aboie, mais ne mord pas, disait-on à l’étranger, ce qui était bien pour l’exaspérer. Un avertissement comminatoire dans la bouche de sir Ed. Grey n’aurait servi qu’à précipiter l’offensive des armées du Kaiser, afin de rendre l’intervention des forces et de la marine anglaises inefficace sur l’issue de la campagne, qu’on voulait, à Berlin, rapide et décisive.

Nous savons de reste, par la lecture des dépêches et des discours du secrétaire d’État britannique, avec quels ménagemens il devait traiter l’opinion publique de son pays et celle de la majorité du Parlement. Une guerre dans les Balkans n’intéressait pas la nation anglaise, et la querelle du Teuton et du Slave la laissait indifférente. Elle n’a commencé à s’émouvoir réellement que lorsqu’elle a compris l’imminence du danger que courait l’existence de la France, et elle n’a répondu avec chaleur aux appels éloquens de M. Asquith et de sir Ed. Grey que le jour où elle a su les Allemands aux portes de Liège, d’où ils menaçaient à la fois Paris et Anvers, « ce pistolet braqué sur le cœur de l’Angleterre. » Si l’on se place à un point de vue purement moral, on doit reconnaître que la grande majorité du peuple anglais à une âme profondément religieuse, mais d’un idéal chrétien qui n’a rien à voir avec la religiosité guerrière du Kaiser et de ses sujets. Ses idées simplistes et ses principes puritains lui font