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même, elles n’ont abouti qu’à des massacres ; nous avons fait de véritables hécatombes de soldats allemands. Mais les masses d’obus ont été presque partout efficaces, — lorsque l’armée sur laquelle elles pleuvaient ne pouvait pas y répondre : et cela nous est arrivé quelquefois. Cela est arrivé aussi et arrive encore en ce moment à nos alliés russes. Comme la nôtre, plus que la nôtre, leur préparation avait été insuffisante et il leur a été impossible d’y pourvoir aussi rapidement que nous l’avons fait nous-mêmes. La raison en est simple, c’est que la Russie, qui était en passe de devenir un pays industriel lorsque la guerre a éclaté, ne l’est pas encore aujourd’hui. Les usines, c’est-à-dire l’instrument indispensable à la production des munitions de toutes sortes, lui ont fait défaut. Là est la cause des échecs qu’elle vient d’éprouver en Galicie. Il est impossible de se mieux battre que ne l’ont fait ses soldats. L’histoire dira un jour la somme d’héroïsme qu’ils ont dépensée et ne leur marchandera pas son admiration. Mais il faut des armes, des canons, des obus, des fusils, des cartouches, et la Russie en a manqué. L’Allemagne connaissait cette infériorité matérielle des Russes et y a oppose l’énorme supériorité dont elle dispose. Devant la quantité d’obus qui pleuvait sur elle, l’armée russe a dû reculer : elle a successivement abandonné Przemysl et Lemberg. Quelque regrettables que soient ces faits, il ne faut pas en exagérer l’importance. On a dit avec raison qu’au point de vue purement militaire, les deux villes avaient perdu de leur valeur. L’armée russe a fait une retraite en bon ordre ; elle a reculé, voilà tout. L’État-major allemand avait manœuvré pour l’envelopper, la faire prisonnière ou la détruire : il y a complètement échoué. L’armée russe reste maîtresse de ses mouvemens. Mais ce n’est pas en ce moment de ses revers que nous voulons parler c’est de leur cause : elle est tout entière dans le défaut de munitions.

M. Lloyd George le proclamait dans un discours dont nous avons parlé. Depuis, il en a prononcé un autre : il y est revenu sur les mêmes faits et, en ce qui concerne l’Angleterre, il a cherché, ou plutôt proposé le remède. D’après lui, les Allemands produisent par jour la quantité formidable de 250 000 obus : il estime que l’Angleterre peut en produire non seulement autant, mais davantage, et elle le peut assurément, si elle en prend les moyens. M. Lloyd George a parlé de la France avec beaucoup d’exactitude et de justesse. Nous avons fait un effort immense, d’autant plus difficile et par conséquent méritoire que la plupart de nos départemens où l’industrie métallurgique est