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Au détour du chemin, où le toit de la métairie a disparu, il ralentit sa marche, son cœur est près de défaillir : « Vous ferez tirer les enfans et m’enverrez la photographie. »

Cependant nous arrivons à la route. Saluts, poignées de main, réchauffement. L’attitude se redresse. Le lendemain à la caserne, elle était excellente. C’est ainsi qu’ils sont partis : départ grave, résolu, avec les attendrissemens inévitables, aussitôt refoulés par l’élan de la conscience collective. C’est ainsi qu’en trois jours se sont vidées de leurs jeunes hommes toutes les maisons de France. Il ne reste plus rien à dire sur la mobilisation, une merveille, le premier geste de l’optimisme vital de la France, la première affirmation de sa volonté de vaincre, sa première victoire, mère des autres. Les autres sont venues : combats héroïques et victorieux de l’admirable retraite, batailles des Vosges et de la Lorraine, le miracle de la Marne, celui de l’Yser, ceux de tous les jours, accrochés à des noms de collines et de vallées, de bois et de villages, noms obscurs, qu’on trouve à peine sur les cartes, et qui vont devenir immortels. Sans un arrêt, sans une défaillance, et chaque jour en progrès d’exaltation, l’optimisme de la France joue devant nous son grand jeu. Et précisément, comme dans ce jeu, tout se met en lumière et s’accuse en relief, la démarche de l’âme, les sources où elle puise des forces, les idées qui représentent ces forces, la manière dont elle les emploie, sans souci de rien cacher, de rien ménager, on peut ici facilement surprendre et étudier l’optimisme dans sa vérité psychologique qui est d’être action et instinct.


IV

Il est action. Il éclate dans un acte initial d’où se déclenchent les autres. Pur dynamisme, il ne se maintient que par l’action. Il monte quand elle redouble, diminue quand elle se ralentit et s’éteint quand elle tombe. C’est sur la longue ligne du feu, de l’Yser aux Vosges, qu’il se montre dans la beauté de son invincible énergie, insensible aux rafales des obus, à l’éclatement des mines, aux liquides enflammés et aux vapeurs asphyxiantes comme il le fut aux souffrances indicibles des longues nuits d’hiver, sous la pluie et la neige, dans la boue glacée et sanglante des tranchées. Ceux qui, d’un cœur ferme, frappent l’ennemi sont tous optimistes, et ceux-là le sont