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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/611

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LA REINE HORTENSE
ET
LE PRINCE LOUIS

VII.[1]
L’AFFAIRE DE STRASBOURG[2]
(OCTOBRE 1836 — FÉVRIER 1837)


Arenenberg, le 31 octobre 1836.

Le lundi 31 octobre, la Reine me fait appeler chez elle et me dit : « Voyez cette lettre que Louis m’écrit ; il est maître de Strasbourg. » — « Ah ! madame, quel affreux malheur ! » m’écriai-je, en cachant mon visage dans mes mains, car je ne me fis pas une minute d’illusion. — Le Prince disait « qu’il était maître de Strasbourg ; que la troupe avait fait le mouvement ; que le peuple avait suivi ; qu’il avait trompé sa mère en lui disant que quelqu’un voulait lui parler ; qu’il ne savait pas qu’on lui ferait une proposition : qu’il avait accepté tout de suite ; que tout irait bien, et qu’il ne quitterait plus le sol français… »

Je ne le pensais pas comme lui ; je tremblais de tous mes membres, et j’eus peine à reprendre mon courage pour me

  1. Voyez la Revue des 1er et 15 août, 1er et 15 novembre 1914 et 1er mars et 15 juin 1915.
  2. Le prince Louis-Napoléon, résolu de sortir par un coup d’éclat de l’obscurité de l’exil, avait, pour le préparer, profité de son séjour à Arenenberg pour nouer dans l’été de 1836, aux Eaux de Baden, et à Kehl, par l’entremise de M. de Persigny, des relations avec plusieurs officiers de la garnison de Strasbourg. Il s’était entendu avec le colonel Vaudrey, qui commandait dans cette ville le 4e régiment d’artillerie, celui-là même où l’Empereur avait fait ses premières armes, le commandant Parquin, le lieutenant Laity, etc. Des ouvertures avaient été faites par les conjurés au général Voirol, lieutenant général pour le département du Bas-Rhin, et dont l’aide de camp était le commandant Aimé de Franqueville, mari de Laure, sœur de Valérie et de Fanny Masuyer. Non seulement le général Voirol, malgré son culte pour la gloire impériale, les avait correctement repoussées, mais il avait cru de son devoir d’en informer le préfet et plus tard le Ministère. Le 25 octobre, le prince Louis avait quitté Arenenberg sous prétexte de chasse et était, comme on sait, entré à Strasbourg le 28.