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la pièce. Connaissant le poids de l’obus et sa vitesse, on en déduit immédiatement sa force vive (égale au produit de sa masse par le demi-carré de sa vitesse), c’est-à-dire indirectement le travail produit par la déflagration de la poudre. On détermine cette vitesse facilement en plaçant sur le trajet du projectile, à quelque distance l’un de l’autre, deux fils métalliques qui font partie de deux circuits électriques reliés à un chronographe enregistreur à grande vitesse. Les deux fils rompus successivement par le passage du projectile inscrivent sur le chronographe deux signaux d’autant plus rapprochés que ce projectile va plus vite et dont on déduit facilement sa vitesse.

J’emprunte à une étude d’un des plus éminens chimistes de notre Académie des Sciences, M. Henri Le Chatelier, les résultats suivans d’expériences ainsi faites par sir Andrew Noble sur des projectiles de poids différens, lancés par un même canon avec une même charge de poudre noire :


Poids du projectile en kilogrammes Vitesse en mètres à la seconde Force vive du projectile en kilogrammes
13 640 295 000
40 410 360 000
67 325 365 000
163 210 365 000

Le fait que la force vive va en décroissant d’abord quand le poids du projectile augmente, au lieu de rester constante comme la charge de poudre, tient sans doute en grande partie à ce que les projectiles légers et plus rapides, sortent de l’âme du canon avant que la combustion de la poudre ait eu le temps de s’achever.

Avec les canons de gros calibres à grande vitesse initiale, on obtient des forces vives encore bien plus considérables que celles du tableau précédent. Par l’obusier autrichien de 305 on lance un obus de 400 kilogrammes avec une vitesse initiale de 900 mètres à la seconde ; à la sortie de la pièce, l’obus possède donc une force vive de 16 millions de kilogrammètres, c’est-à-dire est capable de fournir un travail équivalent à celui qui soulèverait à 1 mètre au-dessus du sol un poids de 16 000 tonnes. On conçoit que les coupoles cuirassées et les coupoles bétonnées des forts de Liège, Anvers et autres lieux, n’aient pu résister à de pareils chocs.


Ce qu’on appelle communément la puissance d’une substance explosive, est caractérisé non seulement par le travail que celle-ci