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européenne est restée presque la même : 264 millions de tonnes sur 666. Comme on le verra bientôt, les chiffres eussent même été plus favorables, il y a une dizaine d’années. Cela suffit pour expliquer le rôle mondial qui est échu à ce pays. S’il a paru décliner depuis quelque temps, la politique intérieure y a sans doute contribué ; mais l’extension des exploitations houillères en Allemagne, outre ses effets directs sur le commerce anglais, a été pour beaucoup dans certaines innovations malheureuses de cette politique.

C’est parce que l’Allemagne a rudement engagé la concurrence, grâce à sa richesse en houille, brusquement accrue, que les Anglais, un peu endormis jusqu’alors sur les avantages de leur fortune, ont commencé à trouver la vie moins facile, à perdre leurs forces en luttes intestines propres à aggraver le mal et se sont enfin lancés dans un impérialisme qui, pour quelques-politiciens, sembla le remède. L’impérialisme cher à Manchester, le protectionnisme connexe si contraire aux vieilles traditions anglaises avaient pour but d’assurer à l’industrie anglaise les immenses débouchés sur lesquels elle s’était habituée à compter, grâce au bon marché de son charbon entraînant celui de ses frets et que l’Allemagne, industriellement plus jeune, donc plus entreprenante et techniquement mieux armée, commençait à lui disputer. Ces temps nous apparaissent déjà dans un recul si lointain qu’on peut bien se hasarder à en rappeler l’histoire. Avouons donc la vérité. Quand, après avoir failli réconcilier la France avec l’Allemagne à Fachoda, Joë Chamberlain engagea cette entreprise du Transvaal qui nous semble aujourd’hui marquer un tournant fatal de l’Angleterre, il obéissait au sentiment de malaise causé par l’entrée en jeu du concurrent germanique, alors que tant de débouchés se fermaient déjà par l’émancipation progressive des pays neufs. L’Angleterre a été, depuis ce moment, comme un malade qui s’agite et se retourne dans son lit. L’enchaînement des événemens a pu être dissimulé par leur complexité, mais on a le droit de les énoncer dans l’ordre suivant : développement des charbonnages allemands ; tendance allemande à utiliser ce charbon pour étendre ses exportations ; visées coloniales et maritimes de l’Allemagne ; bénéfices moindres des manufacturiers anglais concurrencés ; conception impérialiste où le faisceau des colonies britanniques monopolisées devait former une coopérative