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RENÉ BÉRENGER

La vie de M. Bérenger[1] a été longue, « si toutefois, comme dit le poète, il y a quelque chose de long dans ce qui est mortel. » En tout cas, il représente une époque dont les malheurs, les aspirations, les efforts et les regrets, dont les beaux exemples aussi donnés au monde tout entier, mériteront longtemps d’être étudiés. Par ses souvenirs de famille, par sa précoce autorité personnelle, relevée d’un vif sentiment de l’indépendance, M. René Bérenger avait été de ceux qui eussent pu retenir le régime impérial dans la voie d’une réforme véritable ; puis il a fait partie de ces groupes qui, obligés de renoncer à une monarchie moderne, entreprirent avec sincérité, sans arrière-pensée et sans faiblesse, sans concessions à aucune passion suspecte, de faire au moins une république libérale. Entré dans la vie publique au moment de la guerre de 1870, il avait donné spontanément la preuve de cette vaillance dont on devait retrouver, à un si haut degré, la tradition dans la guerre de 1914-1915. De cette dernière, il n’aura pas vu la fin. Pas plus que Félix Voisin et d’autres encore de ses amis, il ne sera entré dans ces terres promises qui s’appellent l’Alsace-Lorraine reconquise, l’Afrique française du Nord définitivement libérée de tout péril de partage et d’affaiblissement économique, une moralité défendue sérieusement contre toutes les formes de la débauche, la nation, enfin, croissant dans le respect des familles saines et nombreuses. S’il n’a pas vu de ses yeux toutes ces réparations qu’il désirait tant, il en aura suivi tous les débuts,

  1. Né le 22 avril 1830, à Bourg-lès-Valence (Drôme).