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Boucicaut, qui s’était embarqué « à la Saint-Jean d’été, » le 26 juin 1399, à Aigues-Mortes, arriva par Naples, Capri, Messine, Chio, Mételin, Nègrcpont et Gallipoli à Constantinople avec une flotte de dix-sept galères de France, de Venise, de Gênes, des chevaliers de Rhodes et du seigneur génois de Mételin, portant six cents hommes d’armes, huit cents arbalétriers et un grand nombre de chevaliers et d’écuyers français, dont les deux seigneurs de Linières, celui de Châteaumorant, ceux de Culan, de Milly, etc.

À ce moment précis, les affaires des Grecs allaient au plus mal. Les Turks qui, je l’ai dit, bloquaient presque constamment Constantinople depuis huit années, étaient sur le point de s’emparer de Galata. On voit en quel péril était l’empire, et on comprend que Boucicaut, aussitôt nommé grand connétable par Manuel, fut accueilli par lui comme un envoyé de Dieu. Quatre jours ne s’étaient pas écoulés que Français et Byzantins, qu’encourageait fort la présence de ces alliés, reprenaient plus vivement la campagne : elle fut courte, mais relativement heureuse.

En quelques semaines, tous les environs de la capitale furent délivrés de la terreur turque. On ne vit plus un seul soldat de Bajazet sur les rives du Bosphore. La malheureuse cité, approvisionnée à nouveau de vivres, respira. Mais ce n’était évidemment qu’un répit. Le maréchal de Boucicaut, conscient plus que personne de cette situation désespérée, avant de retourner en France pour en ramener des troupes plus nombreuses, décida l’empereur Manuel à l’accompagner à Paris. Il s’agissait d’entraîner le roi de France et ses conseillers à tenter un nouveau grand effort pour conserver à la chrétienté cette ville de Byzance, son principal boulevard contre les Turks. Il s’agissait encore d’aller implorer pour le même objet divers autres princes d’Occident. Manuel songea même un moment à renoncer à son trône au profit du roi Charles. Boucicaut, en repartant pour la France, après un an de séjour à Constantinople, avait laissé derrière lui quelques centaines d’hommes d’armes et d’arbalétriers sous la conduite du seigneur de Châteaumorand, avec des vivres pour un an et assez d’argent « en mains de bons marchands pour les payer chacun mois tout le temps durant. » De leur côté, les Génois et les Vénitiens laissèrent huit galères devant Constantinople.

L’empereur Manuel, empêché par les troubles inouïs au