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Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 31.djvu/239

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économiques, financiers et politiques de l’Allemagne dans leur totalité et par tous les moyens, y compris les annexions nécessaires à cette protection. » Tous les partis dits bourgeois ont applaudi à outrance le discours de M. Spahn : il faudra bientôt appeler le parti catholique le parti de l’Empire.

Ces discours ne sont pas exempts de quelque obscurité, en ce sens que chaque orateur, sauf M. Haase et M. Spahn, n’a dit que la moitié de sa pensée et en a plutôt indiqué la tendance qu’il n’en a fixé le but. Mais c’est quelque chose de dire la moitié de sa pensée et d’en indiquer la tendance : le chancelier impérial n’a fait rien de tel. Quelle que soit l’importance de M. Haase, de M. Landsberg et de M. Spahn, leur opinion sur la question d’Alsace-Lorraine n’a pour nous qu’un intérêt relatif : combien celle de M. de Bethmann-Hollweg nous aurait touché davantage ! Il n’en a rien dit, il ne s’est pas engagé, il est resté libre : on ne peut que lui en donner acte. Pour le reste, il s’est contenté de refaire à sa manière l’histoire de la guerre depuis ses origines jusqu’au jour présent, en accablant l’Angleterre des plus lourdes responsabilités, exercice oratoire auquel il s’est déjà livré si souvent qu’il ne peut plus le faire utilement aujourd’hui. Ce n’est plus désormais du côté du passé qu’on regarde, mais du côté de l’avenir et, puisque M. de Bethmann-Hollweg ne nous a rien dit de la paix telle qu’il la conçoit, son discours est négligeable. « Nous ne nous laisserons pas ébranler par des mots, » s’est-il écrié. Nous le croyons de lui, mais il doit aussi le croire des autres : ce ne sont pas des menaces vaines et vagues qui les détourneront de leur chemin : il faudra encore des actes, il faudra encore des faits. Il semble avoir admis que l’Allemagne pourrait manquer d’hommes, car, à l’observation qui en avait été faite, il a répondu avec un air de négligence que les hommes n’étaient pas tout, ce qui est une grande vérité, mais ce qui, en de certains cas, peut passer pour un aveu. Les hommes donc deviennent rares, mais tout le reste est en abondance, notamment les objets alimentaires ; l’Allemagne en regorge ; l’Allemagne n’éprouve aucune souffrance. M. de Bethmann-Hollweg l’a affirmé, mais, de même que le discours de von Helfferich sur la puissance financière de l’Allemagne a été tout aussitôt démenti par la baisse du mark, de même le discours du chancelier l’a été par les manifestations de Berlin. La foule, qui comprenait un grand nombre de femmes, — les hommes sont au front, — s’est ruée jusqu’à la porte du Reichstag en demandant la paix et du pain. Elle a été violemment, brutalement repoussée par la police. Le