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Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 31.djvu/332

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usages : ses communications d’arrière, ses déplacemens. Le mouvement des communications est assez régulier, l’autre essentiellement irrégulier ; mais comme il doit répondre sans délai à de brusques nécessités, on immobilise tout de même à cet effet, de façon durable, un important matériel. On se rappelle la course à la mer qui a précédé la bataille de l’Yser ; on voit les énormes concentrations occasionnées par des combats comme ceux de Champagne ou d’Artois. Lors de notre offensive initiale en Lorraine et en Belgique et de notre recul ultérieur au Sud de la Marne, il a été mis en marche plus de 6 000 trains militaires. Les armées sont en migration perpétuelle. Encore les nôtres ont-elles pu rester beaucoup plus tranquilles que celles du maréchal de Hindenburg, par exemple, sans cesse occupées à faire la navette sur les fronts de la Prusse orientale ou de la Pologne. C’est Napoléon qui a dit : « La force d’une armée est, comme la quantité de mouvement en mécanique, le produit de la masse par la vitesse. » Or, le chemin de fer est un moyen d’imprimer une grande vitesse à de grandes masses. Il peut faire en un jour des étapes de 600 kilomètres ; à pied, on est limité à 30.

Le développement des chemins de fer est un des traits les plus marquans de la civilisation. A cet égard, comme a plusieurs autres, la banlieue des grandes villes nous offre un avant-goût du spectacle que présenteront un jour nos vieux pays. On peut s’attendre à ce que la mobilité des armées s’accroisse, de ce chef, beaucoup plus que leurs effectifs. Les pays qui s’organiseront pour la guerre ne manqueront pas d’établir sur leurs frontières des réseaux à mailles serrées, bien avant que le trafic local les rende nécessaires. S’ils veulent faire complètement les choses, ils équiperont des ceintures de voies assez multiples pour transporter à la fois, en un seul voyage, tout l’ensemble des réserves générales. Entendons par-là les forces disponibles pour agir en un point quelconque, une fois les tranchées garnies tout le long de la frontière. Le nombre des lignes parallèles ainsi destinées à se doubler dépendra des effectifs, de la capacité des trains, des moyens de débarquement, etc.

L’extension de l’état de guerre à un grand nombre de pays produira souvent une situation analogue à celle de l’Austro-Allemagne, attaquée, en attaquant, sur deux frontières opposées. Dans ce cas les lignes qui traversent le pays de l’une à l’autre