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L’enveloppe de sa phrase s’adapte parfaitement à l’objet ; le contenant s’ajuste au contenu, exactement, tant la mesure est bien prise ; sa prose est du meilleur aloi et rend un son très plein. Peu de pages, fussent-elles mûries et non hâtives, sonnent l’entière plénitude autant que ses chroniques des dix-huit derniers mois. Il en a eu le sentiment, quand il a consentie les réunir en volume, lui, le journaliste que demain attirait plus qu’hier, et qui n’aimait pas se réimprimer. Ces chroniques de la guerre demeurent, en effet, et demeureront comme une excellente histoire de la guerre, à qui il va manquer désormais un témoin, l’un des plus attentifs, l’un des plus perspicaces, l’un des plus dignes de foi.


Les Chambres se sont séparées, ou plutôt elles sont parties en congé, après avoir établi entre elles, au sujet de l’application de l’impôt sur le revenu, l’accord boiteux que nous avions annoncé. Il reste à voir laquelle des deux hypothèses se réalisera, si la loi ne produira rien, ou si elle créera dans le pays une agitation, un trouble, que la plus élémentaire prudence commandait de lui épargner, puisque ce n’est l’heure, à coup sûr, ni des manifestations parlementaires, ni des manifestations populaires. Manifestation aussi, on peut le craindre, le projet voté par la Chambre des Députés, dans l’intention louable d’assurer l’approvisionnement de la France en charbon, et sa bonne répartition à un prix abordable, « péréqué, » — un barbarisme se forge plus vite qu’un canon, — de façon à instituer, en compensant le plus fort par le plus faible, une moyenne entre les divers centres de production et les divers lieux de consommation. Comme instrument de cette péréquation, comme régulateur et distributeur, le projet nous offre un bureau officiellement reconnu et investi, dans lequel il est permis, sans être trop méfiant, d’apercevoir une nouvelle amorce de socialisme d’État, l’embryon d’un organe de type socialiste, glissé là à la faveur des circonstances, qui empêchent d’y regarder de très près. Beaucoup de députés se sont abstenus, quelques-uns même ont voté « blanc » en se disant que le geste resterait vain, premièrement parce que le Sénat ne le répéterait pas, et ensuite, et surtout, parce que les lois faites de main d’homme se brisent toujours contre celles qu’a éternellement et universellement fixées la nature des choses. C’est sans doute le mieux ou le moins mal qu’il y ait à attendre d’une initiative prise d’ailleurs avec mollesse et soutenue avec hésitation.

A son retour, lorsqu’elle aura réélu et réinstallé son bureau, ce qui ne provoquera pas de vives émotions, la Chambre se trouvera en face