meurtries, et ils n’en reprendront pas moins leur travail le lendemain.
D’autres fois, c’est un grand navire qui arrive, ou même plusieurs à la fois, de cinq ou six mille tonnes chacun. Il faut les décharger rapidement ; sinon, une fois le délai écoulé, les surestaries monteront à plusieurs milliers de francs chaque jour. Le grain, élevé dans des bennes par les grues du port, est pesé et mis en sac et les sacs empilés à la hâte sur les quais ou dans un hangar, sur une hauteur de 10, 12 ou 15 sacs ; or, il n’y a plus guère de dockers de profession pour accomplir ce travail très dur ; la plupart sont mobilisés, et ceux qui restent sont les moins forts ; on aura donc recours à la main-d’œuvre militaire, et il arrivera parfois que cette main-d’œuvre, si décriée en temps ordinaire, donnera un rendement aussi élevé que celui auquel on atteint avec des professionnels.
Quant aux chargemens ou déchargemens en gare, ils sont faits exclusivement par des soldats. Rien que le chargement d’un wagon de pain exige en moyenne deux heures avec une équipe de cinq hommes. Comme c’est plusieurs dizaines de wagons qu’il faut charger chaque jour, ici encore il faudra une nombreuse équipe qui travaillera toute la journée à cette besogne ; et sa longueur est doublée quand, la boulangerie de guerre étant située à quelque distance de la gare, un chargement sur voitures ou camions et un déchargement supplémentaire se trouvent de ce fait rendus nécessaires.
Souvent enfin, ce ne sont pas les chargemens ou déchargemens de denrées, mais aussi les mouvemens mêmes des wagons dans la gare, ou tout au moins une bonne partie d’entre eux, qui sont exécutés par les soldats. Ce sont les wagons vides qui manquent, la gare n’ayant pu en passer dans la nuit la quantité demandée et, pour les trouver, il faut se livrer dans toute la gare, — qui compte parfois plusieurs kilomètres de voies, — à une chasse fatigante ; il faut former à l’avance pour le train du lendemain les rames de wagons chargés d’une même denrée, puis plomber tous ces wagons, car pour éviter des soustractions en cours de route, chaque station-magasin plombe soigneusement tous ses wagons avec un plomb à elle. Plus d’une fois, au moment du départ, il faudra décharger à la hâte et recharger sur un autre wagon amené à cette intention, un wagon dont un coup de tampon trop rude, au cours de la formation du train,