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aura endommagé le contenu, défoncé un fût, par exemple, ou détruit l’équilibre d’un chargement de sacs ou de balles. D’autres fois, ce sont des wagons à peser, et il faut, pour cela, les faire passer, après une manœuvre plus ou moins compliquée, sur un des ponts-bascules de la gare, soit pleins, soit parfois même successivement vides et pleins, car la tare inscrite sur les wagons n’est exacte qu’à 200 ou 300 kilos près, suivant l’âge du wagon, le temps sec ou pluvieux, etc. Dans la plupart des cas, tous ces mouvemens nécessitent de fréquens passages sur les plaques tournantes, ce qui cause toujours une grande perte de temps, puisqu’ils doivent se faire pour chaque wagon pris isolément, et non par rames entières de wagons, comme les manœuvres par aiguillage.

Certes, les employés de la gare ne restent pas inactifs : ce sont eux qui effectuent, avec les machines de manœuvres, les mouvemens importans, ceux qui portent sur un grand, nombre de wagons. Mais ces employés, en partie mobilisés, surtout sur le réseau de l’État, sont aujourd’hui peu nombreux ; depuis la reprise des transports commerciaux, ils sont parfois surmenés ; souvent, les mouvemens demandés ne se font pas ou se font mal, de sorte qu’alors il faut bien que ce soient les soldats de la station-magasin, dirigés par leurs officiers ou sous-officiers, qui se préoccupent d’assurer le service. En tout cas, ils l’assurent presque exclusivement pour les mouvemens de wagons isolés. Et cela peut être dangereux avec des hommes dont la plupart, jusque là, ne s’étaient jamais approchés d’un wagon autrement que pour s’y faire eux-mêmes transporter. Aussi arrive-t-il de temps en temps des accidens, quelquefois mortels : des hommes sont écrasés par un coup de tampon ou renversés par des machines en manœuvre. Leur mort, comme celle des boulangers mourant à l’hôpital d’une broncho-pneumonie pour être passés, à peine vêtus, de leur tente surchauffée aux courans d’air de la paneterie, est moins glorieuse assurément que celle du soldat frappé en se lançant à l’assaut d’une position ennemie, mais ils n’en sont pas moins morts au service du pays, et n’ont pas droit à une moindre reconnaissance.

Une fois le train formé et parti, le rôle du personnel de la station-magasin n’est pas encore terminé : chaque train, et même en principe chaque wagon complet, quand il n’est pas attelé à un train militaire, doit être accompagné d’un ou