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porte-parole du Kaiser ajoutait : « Nous eussions été d’accord en deux heures, on ne l’a pas voulu. Le conflit vient de là ! »

L’histoire des négociations franco-allemandes à propos du Maroc, commencées dès ce moment et continuées jusqu’à la veille de la déclaration de guerre, est encore présente à toutes les mémoires.

Tantôt la Wilhelmstrasse déclinait, comme avant la visite impériale à Tanger, tout intérêt d’ordre politique dans ce pays, pourvu qu’y fût proclamé le principe d’égalité économique. Tantôt, au contraire, elle exigeait impérieusement des compensations, sur place ou partout ailleurs. Mais, toujours, elle nous opposait une hypothèque prise sans titres réels et sans cesse renaissante, malgré les « levées » successives auxquelles nous consentions.

L’opposition allemande à nos premiers projets de protectorat conduisit l’Europe à la Conférence internationale d’Algésiras. Commencée le 15 janvier 1906, cette lutte diplomatique, prélude pacifique de la guerre actuelle, se termina le 7 avril de la même année.

L’Europe entière, faisant bloc contre l’hostilité et les prétentions allemandes, nous confia, conjointement avec l’Espagne, le mandat de la représenter dans l’œuvre reconnue nécessaire de la réforme marocaine.

Notre victoire était incontestable, comme le prouvait l’éviction de l’Allemagne. Nous devions toutefois payer si cher ce résultat que notre succès devenait négatif en quelque sorte. On reconnaissait en effet notre situation privilégiée au Maroc, sans nous y donner tous les titres de propriété que nous aurions souhaité obtenir de l’assentiment général.

Un diplomate a dit de l’Acte d’Algésiras qu’il serait un armistice de cinq ans. L’armistice n’eut pas même cette courte durée, et les escarmouches commencèrent bientôt entre les deux combattans.

Les attaques et les déprédations des tribus marocaines de la frontière oranaise nous contraignant à prendre des gages dans cette région, Oudjda fut occupé et les Beni-Snassen réduits par le général Lyautey en 1907. Le meurtre de neuf Européens, dont cinq Français, commis le 30 juillet de cette même année à Casablanca, nous obligeait à débarquer des troupes dans ce port de l’Atlantique.