Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/203

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les perquisitions opérées chez les uns et les autres, dès le début des hostilités, prouvèrent aux indigènes que l’Empire germanique ne nous inspirait aucune crainte. Elles amenèrent de plus la découverte de dépôts d’armes et de munitions, celle également de l’organisation de tout un système d’espionnage et de préparation à la révolte. La justice condamna à mort plusieurs des coupables pris sur le fait. Les uns furent fusillés au commencement de novembre, d’autres en janvier suivant.

Les intrigues allemandes ne furent certainement pas étrangères aux incidens qui se multiplièrent dans le courant du mois d’août sur tout notre front. Les premiers départs de troupes de l’active ramenées des avant-postes vers la Côte pour s’embarquer semblèrent donner raison aux rumeurs propagées par nos ennemis. Et de même, les difficultés éprouvées par quelques-uns de ces corps pour traverser les régions où elles opéraient, ont démontré à quel point une évacuation totale de l’intérieur eût présenté de dangers.

Le Maroc paraissait donc bien le terrible guêpier prévu par les Allemands. Nous risquions, en y demeurant, de priver notre armée métropolitaine de l’incomparable élément de forces constitué par nos contingens d’Afrique. Si nous décidions de l’abandonner, même en partie, nous devions craindre de voir notre retraite se transformer en désastre.

Le succès de l’expédition de Madagascar, préparée, trop exclusivement peut-être, dans les bureaux de la rue Saint-Dominique, nous coûta naguère un prix trop élevé. Il est certain qu’on voulut à tout prix éviter en 1914 les erreurs de 1895 !

Avant de prendre la résolution définitive, le gouvernement sut entendre en effet les conseils de l’homme qui connaissait le mieux la question marocaine, le général Lyautey.

On peut le dire aujourd’hui puisque le fait a déjà été dévoilé au public, la première intention du ministère aurait été d’évacuer l’intérieur du Protectorat. Le Résident général qui lui fit abandonner cette décision donna, en assumant une telle responsabilité dans un pareil moment, un bel exemple de courage civique en même temps que de clairvoyance militaire. Mais le gouvernement eut la sagesse de l’écouter.

Distribuer l’éloge aux uns et aux autres serait certainement inutile dans les circonstances présentes ; l’Histoire le fera mieux plus tard.