Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

point, il était plus qu’utile, indispensable que ces mots fussent écrits, il était impossible qu’ils ne le fussent pas : on exagérerait à peine en faisant remarquer que, comme ils sont toute la nouveauté de la déclaration, ils en résument aussi toute l’importance. Dans le conflit où se heurtent l’une contre l’autre les deux moitiés de l’Europe, la situation de la Belgique est particulière ; elle ne s’y est pas mêlée, elle y a été précipitée. Elle n’est pas une belligérante de droit, ou de volonté ; elle est une belligérante de fait. Elle n’est sortie de la neutralité que pour défendre sa neutralité, comme elle y était moralement et légalement, politiquement et juridiquement contrainte par les traités qui furent la charte de son institution ; comme, en tout cas, c’était son droit de le faire, reconnu par les traités, contresigné par l’Autriche et la Prusse (article 10 du traité des Dix-Huit articles : «… en conservant toujours le droit de se défendre contre toute agression étrangère »). C’est la situation, s’il est permis d’employer une comparaison vulgaire, d’une personne à qui des criminels font violence, et qui leur oppose les dents et les ongles. Belligérante sans l’avoir voulu, belligérante malgré elle, mais quand même belligérante, « héroïquement fidèle » depuis vingt mois à elle-même et à « ses obligations internationales, « à son indépendance et à sa neutralité. Pourquoi et comment, ayant été présente dans la guerre, serait-elle absente à la paix ? pourquoi, ayant été à la peine, ne serait-elle pas à l’honneur ? pourquoi, ayant consommé le sacrifice, ne serait-elle pas admise à la réparation ? Or, n’étant que belligérante de fait, sans déclaration de guerre ; étant pour l’Angleterre, par la violation qu’elle a subie, la principale raison de l’intervention dans la guerre ; étant pour les Puissances alliées, par la restauration qui lui est promise, l’un des principaux objets de la continuation de la guerre, il est évident que la Belgique ne pouvait adhérer directement à la convention du 5 septembre 1914, par laquelle les Puissances ses garantes s’interdisent toute paix séparée. Elle ne pouvait pas prendre d’engagement envers les autres, mais on pouvait, on devait en prendre envers elle ; et rengagement qu’on a pris est une manière, la seule qu’il y eût, de l’associer à la Convention de Londres, et de lier publiquement, officiellement sa fortune au sort de l’Entente.

Sur le second point, la témérité de cette promesse, il faut répondre qu’on ne voit vraiment pas en quoi la perspective pour la Belgique d’être appelée à participer, le moment venu, aux négociations de paix pourrait faire, dès maintenant, préjuger, dans un sens ou dans l’autre, de l’abandon ou du maintien de sa neutralité future. La question