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soixantaine de jeunes Hindous. Ces trois hommes firent à François le meilleur accueil : l’évêque très satisfait de son humble altitude, Michel Vaz heureux du renfort que lui envoyait la Providence dans ce prêtre éminent, Diogo de Borba ravi à l’idée que son collège passerait aux Jésuites et prospérerait entre leurs mains.

François se mit à l’œuvre. Cinq mois après, il adressait à Ignace et aux Pères de Rome sa première lettre depuis Mozambique. Décousue, vide, cette lettre, sans les noms géographiques et les termes d’infidèles et de païens, pourrait aussi bien avoir été écrite de n’importe quel endroit du monde. Quelques mots sur la ville de Goa qui paraissent interpolés, car il revient aussitôt à Mélinde et à Sokotora, puis une anecdote insignifiante au sujet de la haine que les habitans de Sokotora ont vouée aux Musulmans, puis l’emploi de ses journées à Goa : il loge à l’hôpital ; il y administre les sacremens d’eucharistie et de pénitence ; il confesse les prisonniers ; il catéchise les enfans ; le dimanche et les jours de fête, il va dire la messe chez les lépreux qu’il communie et dont il a gagné l’affection ; l’après-midi, instruction au peuple dans la chapelle de Notre-Dame et explication des articles du Symbole pour les indigènes. Enfin il part. Le gouverneur l’envoie à deux cents lieues, au cap Comorin. Il se demande comment il procédera avec les païens et les mahométans ; et il espère que les Pères de Rome le lui feront savoir pour l’amour de Jésus-Christ. Il veut dire qu’il attend de leurs prières un secours providentiel, car les Pères de Rome seraient bien embarrassés de le conseiller dans l’ignorance où il les laisse de tout ce qui se passe aux Indes. Une seconde lettre particulière à Ignace ne nous en apprend pas davantage. Elle n’a trait qu’à la fondation du collège et à certains désirs du gouverneur qu’il recommande tout particulièrement aux prières d’Ignace, afin que ce Martin de Sousa, « dont les qualités et les mérites l’ont conquis, » ait la sagesse et la force de bien administrer ces immenses pays de l’Inde et « traverse les biens temporels sans perdre les éternels. » Ces derniers étaient déjà fort aventurés ! Je ne vois dans l’aridité incolore de ces deux lettres, qui trahissent la déception, qu’un seul élan du cœur : « Je pars content : fatigues d’une longue navigation, prendre sur soi les péchés d’autrui quand on a bien assez du poids des siens, séjourner au milieu des païens, subir