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étudians qu’il avait partagées jadis. « Je veux devenir savant pour acquérir un bénéfice, une dignité d’église : arrivé là, j’entends y servir Dieu. » Ils ont si grand’peur que Dieu ne veuille pas ce qu’ils veulent ! Ils commencent par prendre leurs sûretés contre Dieu. Cependant des millions de Gentils se feraient chrétiens, si les ouvriers ne manquaient pas. Et, en agitant ces pensées, il regagnait la ville ou le village caché sous la verdure. Les femmes rapportaient du puits leur cruche d’eau fraîche avec leur petit enfant à califourchon sur leurs hanches ; et sa clochette tintait comme celle du chevrier dans les rues encore désertes et déjà ensoleillées des petites cités espagnoles.

Le nombre grandissant des conversions l’autorisait à croire qu’il suffirait de disperser à travers les Indes un collège de jeunes prêtres pour vider les pagodes. Tout de même les Brahmes l’inquiétaient, ces Brahmes qu’il rencontrait partout et dont il avouait n’avoir converti qu’un seul depuis son arrivée, il les juge sans indulgence : « Ces gens-là ne disent jamais la vérité ; ils s’ingénient à fabriquer des mensonges avec finesse. Ils trompent les peuples simples et ignorans. Ils leur affirment que les idoles exigent telles et telles offrandes : ce sont les offrandes qu’il leur faut, à eux, pour entretenir leurs femmes et leurs enfans. » Il a très bien vu le charlatanisme des Brahmes, comme plus tard celui des Bonzes. Mais il n’a point soupçonné le système philosophique qui justifiait ce charlatanisme ou, du moins, le dépouillait d’une partie de sa cynique insolence. Je suis très loin de révérer un métaphysicien dans chaque Brahme ou dans chaque bonze ; mais tous nos prêtres, et ceux de Goa par exemple, n’étaient point des théologiens. Du défaut d’intelligence et d’instruction que nous constatons chez la plupart des bonzes et des Brahmes, il serait dangereux de conclure à la vanité philosophique de leur religion ou de la réduire à une parade de saltimbanques. François et beaucoup de missionnaires se sont formé des religions asiatiques, si l’on en excepte le caractère démoniaque, la même image superficielle et caricaturale que nos Encyclopédistes de toutes les religions. Ils leur ont fourni des armes. Ils ne comprenaient pas l’âme orientale pour qui les contradictions ne sont point signes d’erreur, ni les mensonges le contraire de la vérité ; ils n’admettaient pas que nos démonstrations par l’absurde pussent ne pas convaincre les Hindous et les supercheries dévoilées de leurs prêtres ne pas