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consciences, mais pour créer des dissentimens entre les partis et les personnes, pour entretenir les hésitations, les obscurités, les défiances. Ce n’est jamais, et pour cause, aux sentimens généreux, à un idéal élevé, que la propagande allemande fait appel. Elle ne peut, par ses propres tendances, comme par ses liens avec l’Autriche-Hongrie et la Turquie, compter que sur les puissances de ténèbres et de réaction. Et c’est ainsi que, peu à peu, ses efforts se retournent contre elle, et qu’en usant ses médiocres ou fâcheux instrumens, elle achève de se discréditer elle-même. La diffusion de l’intrigue et du mensonge obscurcit jusqu’aux milieux dans lesquels elle se meut, et, comme les gaz asphyxians de ses tranchées, étouffe et paralyse ceux qui ont mission de les répandre. La propagande qui lui a coûté si cher, qui lui a fait semer à travers le monde tant de papiers, de brochures, de livres, de gravures et tant d’or, n’a pas empêché la vérité de se faire jour. Et la seule apparition de la vérité a été déjà la revanche des Alliés.

Il y a une neutralité que l’Allemagne avait par-dessus toutes les autres à cœur de garder, de préserver, celle de l’ancienne alliée, de l’Italie. — La déclaration de cette neutralité, au début de la guerre, lui avait été une pénible déconvenue, attestant et proclamant à la face du monde le caractère offensif de la guerre, rendant plus difficile l’exécution de sa tâche militaire, lui fermant les accès et les débouchés du Sud. Et maintenant, elle s’attachait, se cramponnait à cette neutralité, comme à une ancre de salut. Non, certes, dans l’espoir de proroger le bénéfice de l’alliance même, mais pour conjurer du moins une rupture entre l’Autriche-Hongrie et l’Italie, pis encore un rapprochement entre l’Italie et la Triple-Entente. Pour prévenir et exorciser ce suprême péril, l’empereur Guillaume Il n’hésita pas, malgré d’anciens froissemens, à réaccréditer sur les bords du Tibre le plus habile de ses diplomates, son 420 diplomatique (comme l’appela aussitôt le Pasquino de Rome), le prince de Bülow lui-même. Mais c’est alors qu’apparut la différence entre une diplomatie qui connaît vraiment la psychologie des peuples, qui a elle-même une âme, et la diplomatie allemande faite alternativement de fausseté, de corruption, de menace. L’Italie, restant sur le terrain des traités, n’invoquant que son droit, avait ouvert avec le Gouvernement austro-hongrois une négociation dont l’objet était non plus d’établir qu’elle n’avait pas à