Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/385

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suivre ce Gouvernement dans une guerre offensive, mais que l’agression contre la Serbie et le trouble apporté à l’équilibre de la péninsule balkanique obligeaient l’Autriche-Hongrie, en vertu de l’article VII du traité d’alliance, à lui donner, à elle-même, des compensations. L’Italie ajoutait qu’étant neutre, et ne pouvant réclamer, à titre de compensation, des territoires placés sous la souveraineté de tiers, les territoires qu’elle réclamait étaient des territoires appartenant à l’Autriche-Hongrie, et que c’étaient, d’ailleurs, les seuls dont la possession pût satisfaire ses aspirations nationales. Ici, comme l’Autriche-Hongrie se récrie, et que l’Italie, de son côté, déclare que, dans ces conditions, si elle n’obtient pas la satisfaction qu’exigent ses aspirations nationales et son avenir, elle reprendra sa liberté d’action, l’Allemagne s’inquiète, elle intervient pour décider l’Autriche-Hongrie aux sacrifices nécessaires. L’Allemagne n’hésite jamais, lorsqu’il s’agit de se tirer d’affaire, à disposer des territoires de ses alliés. Comme tout de même le Gouvernement austro-hongrois trouve la pilule difficile à avaler, le Gouvernement allemand insiste, mais sans succès. L’Autriche-Hongrie se refuse à céder les territoires que l’Italie réclame, et surtout elle se refuse à les livrer immédiatement, comme l’Italie l’exige, c’est-à-dire en pleine guerre.

L’Italie, en conséquence, et après avoir résumé d’une façon magistrale les argumens qui ne lui permettaient pas, lorsque le traité d’alliance a été violé, d’observer une neutralité contraire à ses intérêts comme à ses droits, dénonce le traité et reprend sa liberté. Il faut lire, dans le Livre Vert, où toute cette négociation est consignée, les lumineuses dépêches du baron Sonnino, qui poursuit avec une cinglante justesse, une logique indéfectible, la démonstration de son droit, et qui aboutit sans un faux pas à l’inexorable conclusion. On y verra à quelle sûre et infaillible balance une diplomatie inspirée de la tradition de Cavour et fidèle à la doctrine des nationalités a pesé le traité d’alliance, et, dénonçant dans l’ultimatum du 23 juillet à la Serbie, dans la déclaration de guerre qui l’a suivi, la violation flagrante de la lettre comme de l’esprit du traité, reprend en effet son entière liberté d’action et conclut que le traité d’alliance avec l’Autriche-Hongrie est désormais annulé. Quant à l’Allemagne, plutôt que de s’incliner devant le résultat fatal d’une négociation qui ne pouvait avoir d’autre issue, elle essaya