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Cobden. Ces deux hommes, d’ailleurs, singulièrement surfaits, s’ils revenaient parmi nous, auraient conscience de l’immense changement qui s’est opéré en Europe depuis soixante ans ; ils n’oseraient plus prononcer les mêmes phrases qu’alors, ou, s’ils se risquaient à les répéter sur une plate-forme, ils seraient hués impitoyablement par les petits-fils de leurs admirateurs. Mais les obscurs radicaux en qui se perpétue leur doctrine sont incapables de s’apercevoir qu’ils sont en contradiction avec l’esprit de leur temps et, quoique diminués en nombre chaque jour, ils persistent dans une opposition plus sournoise qu’énergique. Dans le monde des affaires, on n’aurait pas eu à chercher loin pour découvrir un groupe de financiers et de commerçans dont les intérêts étaient enchevêtrés dans des intérêts allemands.

L’opinion irlandaise était divisée. Quelques nationalistes extrêmes voyaient de mauvais œil une guerre qui était venue si mal à propos ajourner pour eux les bienfaits du Home rule, au moment où ils croyaient déjà y mettre la main. Stimulés par leurs compatriotes d’Amérique, dont les sentimens contre le gouvernement anglais sont si amers et si passionnés, ils auraient voulu fermer au recrutement l’Irlande, qui a toujours été une pépinière d’admirables soldats. Heureusement, leur chef, M. Redmond, qui est un véritable homme d’Etat, a senti le danger de cette politique de mauvaise humeur et de mauvaise volonté ; il a ramené à des vues meilleures la majorité de son parti et par là il a rendu au gouvernement anglais un service important dont il lui sera certainement tenu compte.

Même division dans les rangs du parti ouvrier. Les uns, différant en cela des socialistes du continent, se sont prononcés nettement contre la guerre et quelques-uns ont même fait des efforts pour créer une propagande pacifiste parmi les travailleurs. C’est sous leur influence qu’on a vu éclater des grèves destinées à obtenir une augmentation de salaire en menaçant l’Angleterre de la priver de charbon au moment où elle en avait le plus besoin pour soutenir la guerre. Si l’on met à part le cas des mineurs du pays de Galles, on doit reconnaître que les excitations antipatriotiques essayées par certains membres ouvriers du Parlement sont restées absolument sans effet sur les masses dont ils se disent les représentans. La raison en est