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du cochon. Cet enchérissement méthodique et artificiel, poursuivi avec des intentions excellentes sans doute pour le bien des consommateurs, aurait fini par les exaspérer, surtout dans une période de cherté naturelle des vivres, et l’administration autorise maintenant les charcutiers en gros à marier à leur gré, sans être tenus d’en faire mention, la viande du bœuf à celle du porc, ce qui permet de vendre les saucissons meilleur marché.

Certains comestibles ont passagèrement disparu, tel le gibier tant français qu’étranger ; ce dernier correspondait en 1913 à 5 millions et demi de kilos consistant en pigeons, pour la plupart italiens, en perdrix et en lièvres allemands ou autrichiens. Bien que la consommation du gibier fût dix fois moins importante que celle de la volaille, son absence a pu contribuer à faire hausser le prix des animaux de basse-cour ; mais c’est surtout la cherté des grains et, par une répercussion des prix les uns sur les autres, celle de la viande, qui ont fait enchérir les volailles de 50 pour 100, avec cette particularité que les poulets communs se vendent presque au même taux que les produits renommés de la Bresse, et que, dans la plupart des villes de province, d’où partent de nombreuses expéditions pour la zone des armées, les cours sont aussi élevés qu’à Paris et quelquefois même davantage.


III

Pour les beurres et les fromages, la crise de cherté a atteint une acuité telle qu’elle a provoqué à certains momens des manifestations sur les marchés. La production a-t-elle diminué, comme on le dit, tandis que la consommation augmentait ? Notre exportation d’une centaine de milliers de quintaux de lait naturel a presque cessé ; au contraire, nos importations de lait condensé sucré ont triplé, jusqu’à concurrence de 45 000 quintaux.

D’après les comptes d’une grosse entreprise laitière à la gestion de laquelle participent les coopératives de consommation, le prix d’achat du lait aux cultivateurs n’aurait augmenté que de 13,5 pour 100, mais les frais généraux de ramassage et de traitement du lait en province ont haussé de 45 pour 100 par suite de la cherté des fourrages et du charbon nécessaire à la pasteurisation. Les gros consommateurs industriels se procurent