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mois, il se décida à commander en Amérique, moyennant 2 fr. 70 le kilo, les mêmes conserves, réalisant ainsi une économie de 100 000 francs par jour.


IV

Sans aller en Amérique, l’organisation des achats et des transports, la collaboration des intermédiaires unis dans le désir désintéressé de servir le pays, peuvent, sinon supprimer une hausse incoercible puisqu’elle résulte de l’absence partielle de marchandises, au moins en atténuer sensiblement les effets. C’est ce que fit le « Comité de l’approvisionnement de Paris, » fondé et dirigé par deux hommes d’initiative qui, depuis vingt mois, ont bien mérité de leurs concitoyens : MM. Bouat et Dayné, présidens, l’un des syndicats de l’alimentation en gros de France, l’autre, des syndicats de mandataires aux Halles. Lors de la publication du décret de mobilisation, l’administration municipale s’était préoccupée du ravitaillement journalier de la population pendant la période difficile qui allait s’ouvrir. Les particuliers eux-mêmes créaient la disette par leurs accumulations de provisions, dans l’inquiétude de l’avenir : le riz, de 40 francs montait à 130 francs les 100 kilos ; les pommes de terre de 15 francs à 60.

MM. Bouat et Dayné fondèrent, avec des collègues de bonne volonté, comme eux principaux mandataires et commissionnaires aux Halles pour les diverses denrées, un Comité qui offrait cette particularité rare et presque invraisemblable de n’être composé que de gens compétens. Le Préfet de la Seine, M. Delanney, sans que son rôle en fût moins actif dans la sphère de ses attributions, leur prêta un concours énergique en leur laissant carte blanche, et nul homme politique ne leur fut adjoint. Ce Comité, au milieu du désarroi des cours, commença par imposer à tous, expéditeurs, intermédiaires et revendeurs, des prix délibérés et fixés à l’amiable, de commun accord, en modérant les exigences de chacun par un appel au patriotisme ; puisqu’il est connu que l’homme ne vit pas seulement de pain, qu’il est accessible aux mobiles les plus nobles et que tel, dont les intérêts égoïstes se montreront intraitables si l’on prétend les contraindre, sera tout prêt à une besogne de pur dévouement si l’on s’adresse à son cœur.