Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/605

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il envoya dans les provinces des agens de renseignemens qui, sachant les offres de la culture, permirent de peser sur les prix. L’oignon étant déficitaire en France cette année, il en fit venir d’Espagne, d’Italie, d’où l’exportation n’était pas interdite, et même d’Egypte. Par centaines de milliers de kilos partent chaque jour, d’un petit bureau de la rue Sainte-Opportune, les ordres d’achat de légumes pour toute l’armée : à la Villette, où se fait le dosage destiné à chaque corps et à chaque régiment du front, ils arrivent par trains entiers de directions multiples ; car ils ne sont que très exceptionnellement achetés à Paris ou aux environs.

Ce ravitaillement sagace, dirigé avec le souci d’éviter tout ce qui pourrait causer une perturbation du marché et amener une hausse factice, s’efforce de faire venir les denrées du fond des provinces, des centres éloignés qui les cultivent, où elles reviennent ainsi moins cher à l’Etat, en laissant pour Paris les régions plus proches. Ce type d’achats systématisés par un homme du métier peut être cité comme un palliatif à la hausse ; il ne saurait toutefois l’abolir, et créer l’abondance quand il y a défaut de marchandises. Quoiqu’il soit entré en France l’an dernier 120 000 quintaux d’oignons de plus que d’habitude, leur prix avait néanmoins plus que doublé cet automne.

Souvent aussi, l’importation est pratiquement impossible : Nous ne recevons plus les lentilles de Russie, ni les haricots de Buda-Pesth ; leur absence se remarque davantage que celle des foies gras de Hongrie que les marchands de comestibles destinaient à donner de la fermeté aux nôtres. Les deux millions de quintaux de légumes secs qui nous venaient annuellement de l’étranger et représentaient le double des similaires français, sont tombés à 900 000 en 1915 et, si les pommes de terre coûtent 50 pour 100 de plus, c’est que notre récolte a été inférieure d’un tiers à la moyenne des dix dernières années. Les nations voisines en ont interdit l’exportation ; nous n’aurions pas grand profit du reste à les acheter au dehors ; elles sont aussi chères en Hollande, en Espagne et en Italie qu’en France. Cependant, nous ne sommes pas à bout de ressources, puisque nous consommons presque autant d’oranges et de bananes que les années antérieures, sans regarder à leur prix.

Du moment que les chalutiers à vapeur, réquisitionnés, péchaient des sous-marins au lieu de pêcher du poisson, le